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ARTS GRAPHIQUES

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Lot 10
BERTHE MORISOT (Bourges, 1841-Paris, 1895)
Jeune fille au repos, 1889

Pointe sèche justifiée au crayon 3/25 et monogrammée au tampon B.M.

Haut. 8, Larg. 11,5 cm.

Vie de famille impressionniste : Berthe Morisot découvre la gravure avec Renoir

Élève de Corot, rare artiste femme membre du groupe impressionniste, Berthe Morisot (1841-1895) s'initie à la gravure pour illustrer un recueil de poèmes, Le tiroir de laque, à la demande de Stéphane Mallarmé en 1887. Ce projet n'aboutira pas, mais cette suite de huit pointes sèches créées entre 1888 et 1890 est l'un des rares témoignages de la découverte de la gravure par Morisot aux côtés de Renoir. Moins physique que le burin, Renoir choisit d'initier son amie à la technique de la pointe sèche, qui réserve un nombre limité de tirages. Ici, la troisième épreuve sur vingt-cinq est le gage de la meilleure qualité. Berthe Morisot, âgée de plus de 47 ans, explore un univers intimiste et spontané plein de sensibilité, avec ses scènes de famille, ses paysages et ses portraits de femmes et d'enfants. Ses œuvres ne cherchent plus l'innovation mais affirment une certaine maturité. Le style de ces gravures est très proche de ce que fait Renoir à la même époque, dont le portrait de Julie Manet, fille de Berthe Morisot, conservé au musée Marmottan à Paris. On retrouve des formes longues et verticales, des plans resserrés sur les corps ou les visages. Pour l'artiste, il s'agit de traduire une énergie, un élan ou un souffle d'un modèle saisi sur le vif.
Adjugé : 2 700 €
BERTHE MORISOT (Bourges, 1841-Paris, 1895)Jeune fille au repos, 1889Pointe sèche...
Lot 10
Lot 146
ZOFIA STRYJENSKA (Polonaise, 1891-1976)
« La rôtisserie de la reine Pédauque », 1919-1920


Cinq gouaches signées, trois datées 1919 et 1920, d’après le roman éponyme d’Anatole France. 
 
Irruption de l’Abbé Coignard dans la rôtisserie. Haut. 30, Larg. 36,8 cm.
Le mot doux de Catherine à la porte d’un carrosse. Haut. 29,7, Larg. 36,5 cm.
L’enlèvement de Jahel par les sbires de Mosaïde. Haut. 29, Larg. 36,3 cm. 
Réflexion au bord de la fontaine. Haut 29, Larg. 37,5 cm.
Sauvetage de l’abbé Coignard des griffes de Mosaïde. Haut. 30, Larg. 37 cm.
 
Quatre dans des encadrements à baguettes en bois doré.

Provenance :
Château de la région de Carcassonne.
 
Bibliographie :
- Exposition Katowice Muzeum Slaski 2017.
- [COLLECTIF], Catalogue Miedzy Montmartre’em a Montpernasse’em, Miedzy, 2017, p. 311.
- Światosław Lenartowicz, « Podróże Zofii Stryjenskiej I ic Paryskie Etapy », Cracovie, 2012.
-  Magdalena Wróblewska , Zofia Stryjeńska, "Bożki słowiańskie", 1918 (kolejne teki 1922, 1934), consulté le 19 mars 2022 sur http://www.culture.pl

Nous remercions Dorota Pacula qui nous a aidés à identifier les circonstances de création de ces gouaches.
 

ZOFIA STRYJENSKA ILLUSTRATRICE À PARIS


UNE ICÔNE DE LA POLOGNE MODERNE


Probablement l’une des plus grandes artistes polonaises, Zofia Ztryjenska, née Lubańska, étudie dans sa ville natale de Cracovie, d’abord à l'école de Leonard Stroynowski (1908), puis celle de peinture pour femmes tenue par Maria Niedzielska (1909-1911). Talentueuse, elle poursuit sa formation à l’académie de Munich, sous le nom et l’identité de son frère Tadeusz Grzymała, d'octobre 1911 à 1912. Elle y est grimée en homme, à qui le système d'enseignement supérieur des arts était alors exclusivement réservé. En 1916, elle épouse l’architecte Karol Stryjeński (1887-1932), qu’elle vient tout juste de rencontrer. Ils divorceront douze ans et trois enfants plus tard, au terme d’une relation tumultueuse faite de ruptures et d’internements psychiatriques. Elle est alors la designer des ateliers de Varsovie, créant de spectaculaires jouets en bois, avant de se consacrer à la peinture.

L’art de Stryjenska est un flamboiement de couleurs, une plongée dans le mouvement permanent, à travers des sujets qui subliment la mythologie slave. Elle réinvente les motifs traditionnels du folklore polonais auxquels elles confère le statut d’icône éternelle d’un pays retrouvant son indépendance lors de la deuxième république : paysans dansants, harnasie, voleurs, babas, démons, animaux, rituels villageois et idoles slaves. Ses œuvres les plus populaires sont celles de la série « Idoles slaves » (1918, 1922, 1934) ou de « La Pâque » (1917-1918), mais aussi ses peintures de « La chasse aux idoles » (1921), « Matin », « Soir », ou « Le concert de Bériot » (1923), de même que les séries du « Jeune village polonais » ou de Piast.

Son succès la conduit à Paris en 1925, où elle participe à la décoration du pavillon polonais lors de l’exposition de l’Union Central des Arts Décoratifs. Elle y est quatre fois lauréate du Grand Prix, pour la décoration architecturale, les tissus et les illustrations de livres, et reçoit un prix honorable du département des jouets. Exilée à Genève après la seconde guerre mondiale, elle décède dans l’oubli, chérie par ses trois enfants.

LE PREMIER VOYAGE À PARIS 1919-1920


 Notre série de cinq gouaches totalement inédites lève le voile sur son premier séjour à Paris, de septembre 1919 à Noël 1920. Installés près du Panthéon, puis rue de Rennes et enfin dans l’atelier de Jan Wacław Zawadowski, les Streyjenski fréquent la bohème de Montparnasse. Marquée par sa rencontre avec la peintre Olga Boznanska, à qui elle consacre un paragraphe entier dans son journal, Zofia Streyjenska rencontre également le violoniste Stefan Frenkel, les comtes de Tubieński et Rzewusk, les sculpteurs Jadwiga Bohdanowicz-Konczewska ou Artur Rubinstein. Le couple explose dans la capitale française, conduisant à une première rupture. Zofia continue, elle, de créer, bien qu’il reste peu de témoignages de cette époque. Elle a en effet déchiré ses dessins rapportés en Pologne, où seule une poignée de tableaux de cette période cubiste est conservée.
 
On savait que Zofia Streyjska avait préparé une illustration pour le roman d’Anatole France « La rôtisserie de la reine Pédauque », mais aucune trace n’en était conservée. Les deux illustrations d’une rare édition sans date publiée chez Calman Levy, monogrammées S.S., étaient jusqu’à présent attribuées à Sylvain Sauvage, qui illustra le roman en 1935. Il s’agit probablement du travail de Streyjenska. Évoquant Voltaire, aussi bien pour la forme que pour l’ironie, ce roman publié chez Calman Levy en 1893 se déroule au début du XVIIIe siècle dans la Rôtisserie de la reine Pedauque, rue Saint Jacques à Paris. Parmi les clients de la maison, on compte une faune parisienne des plus étonnantes : le frère Ange, un capucin ivrogne ; Jahel, une femme de chambre de mœurs légère, nièce et maîtresse du Juif Mosaïde ; M. d'Astarac, un gentilhomme gascon, et l'abbé Jérôme Coignard, un docteur en philosophie d'esprit raffiné, précepteur de Jacques. Une succession de situations plus abracadabrantesques les unes que les autres conduit à la ruine des espoirs du jeune héros et de son mentor.
  
Nos cinq gouaches illustrent avec talent différents passage du roman. Si leur composition peut paraitre désordonnée, emmêlant les plans et les points de vue, ces lacunes apportent in fine dynamisme, sens de la comédie et une originalité ressourçante à ce grand roman français. La sauvagerie effrénée du mouvement, voire la turbulence des couleurs mêlées d'humour, manifestée dans les expressions des visage et des gestes, aux délicates nuances de gouache et d’aquarelle, signe définitivement le style de l’une des artistes les plus anticonformistes de son temps.

DESCRIPTION DES GOUACHES


I) L’Irruption dans la rôtisserie de l’Abbé Coignard (Chapitre III).
L’Abbé Coignard fait irruption dans la rôtisserie et s’engage à instruire Jacques contre le gîte et le couvert.
 
II) Le mot doux de Mademoiselle Catherine. (Chapitre XIII).
Jacques, plus âgé, flâne dans les rue de Paris quand le Frère Ange l’informe que Mademoiselle Catherine est dans un carrosse devant la Rôtisserie et qu’elle souhaite lui parler.

III) L’enlèvement de Jahel par les sbires de Mosaïde. (Chapitre XVII)
Alors que l’abbé Coignard, Jacques, le Chevalier d’Anquetil et Jahel dînent et boivent à outrance, la porte du logis est forcée par les hommes de main de Mosaïde pour enlever Jahel.
 
IV) Réflexion au bord de la fontaine (Chapitre XVII)
Après une altercation avec M. de la Guéritaude, les trois hommes s’assoient prêt d’une fontaine au Petit Triton et élaborent un plan pour fuir vers Lyon tout en buvant, jouant et discutant des femmes.
 
V) Sauvetage de l’abbé Coignard des griffes de Mosaïde. (Chapitre XVIII)
L’abbé Coignard, que poursuivait Mosaïde, est finalement sauvé par M. d’Astarac et Jacques, cachés dans des buissons devant la maison de son persécuteur.
Adjugé : 60 000 €
ZOFIA STRYJENSKA (Polonaise, 1891-1976)
« La rôtisserie de la reine Pédauque », 1919-1920

Cinq...
Lot 146
Lot 170
LE DÉLIRANT CHRONIQUE (né en 1872), Eugène Bedeaux, dit
« Le symbole de mon histoire », ou Filiation de la locomotive, c. 1927-1933

Dessin et collage, avec de nombreuses inscriptions à la plume en patois alsacien.

Haut. 96,5, Larg. 130 cm.
(Accidents et manques)

Bibliographie : Henri Uberschlag, "Un délirant chronique", thèse de doctorat pour l'université de Strasbourg, imprimerie Jobard, Dijon, 1938 (à consulter :
https://www.calameo.com/read/0028972960d8b847a04e8)

Provenance :
- fresque d'une cellule de l'hôpital psychiatrique de Rouffach (Alsace), sauvée par le surveillant-chef lors de travaux d'assainissement,
- collection du docteur Henri Faure (1923-1999), médecin psychiatre à hôpital de Bonneval,
- par descendance, Touraine.

Cet unicum, rescapé de l'asile psychiatrique de Rouffach en Alsace, est réalisé à la fin des années 1920 par un malade appelé « Le délirant chronique », auquel a été consacrée une thèse de médecine en 1938. La reconnaissance de l'art asilaire est alors balbutiante en Allemagne, suite aux travaux de Prinzhorn sur Wölfli en 1924, et n'est pas encore portée sur les fonts baptismaux en France, Jean Dubuffet ne publiant son manifeste sur « L'art brut préféré aux arts culturels » qu'en 1947.

Notre grand dessin (96 x 130 cm) est la partie centrale d'un plus grand encore, dessiné sur plusieurs feuilles de papiers accolées, essentiellement à partir des années 1927-1928. Eugène B., son auteur, est né en 1872, marié et père de trois enfants. Conducteur de locomotive de la compagnie des chemins de fer de l'Alsace-Lorraine, il manifeste des troubles psychiques à partir de 1912, conduisant à son internement dix ans plus tard, en 1922, jusqu'à la fin de sa vie.

Après avoir écrit de nombreuses lettres brûlots destinées sans succès à être publiées dans les journaux, le patient s'attelle, passé l'âge de cinquante ans, à la réalisation progressive d'une fresque qu'il décrit comme « Es ist der Symbol meiner Geschichte » - C'est le symbole de mon histoire. Si la forme de cette superposition de dessins et collages évoque celle qui fut en vogue chez les Surréalistes, avec leurs cocasseries, emboitements et association inattendues, chez ce malade au contraire, tout est en ordre, tout est en rang, rien n'est fortuit.

Présenté à l’aide d'une canne déployante cachée sous le lit d'Eugène B., ce tableau constitue un dessin à considérer comme un langage intérieur, évoluant dans le temps, avec une transformation progressive parallèle des thèmes et des symptômes psychotiques. Le docteur Uberschlag relève aussi que demeurent représentés sur cette oeuvre des éléments non digérés par le délire, qui recèlent le style propre de l'auteur.

On y retrouve pêle-mêle une vue de la propriété familiale incendiée par un prêtre, une vue de la ville de Carcassonne ajoutée à la demande de son médecin, un canon tirant des obus de « grand droit canonique » depuis la place Saint-Pierre de Rome en direction d'un canon disposé devant le Palais de Justice de La Haye. Marqué par le bain de sang de la première guerre mondiale, le Délirant chronique remplace ensuite le canon de La Haye par une poire à injection vaginale afin de prôner le contrôle des naissances pour « empêcher que les hommes soient tués sur les champs de bataille. »

Le docteur Henri Faure, qui étudia aussi l'oeuvre, relève que l'essentiel du délire est occupé par la généalogie du patient, avec une accumulation d'indices, de dignités et de grandeurs : des armoiries, des sceaux, des couronnes, des uniformes. Le tout est sous-tendu par la conviction centrale que le malade est le descendant de l'inventeur d'une locomotive, prétendant ainsi à des titres de noblesse dont il aurait été spolié.

Entrainé par la représentation de locomotives d'une minutie extrême, le Délirant chronique se laisse prendre dans une vision schizophrénique de deux locomotives accolées s'élançant dans des directions opposées, symbole de son impuissance et de sa maladie.
Adjugé : 49 000 €
LE DÉLIRANT CHRONIQUE (né en 1872), Eugène Bedeaux, dit« Le...
Lot 170
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