Lot 239
Alexandre IACOVLEFF (Saint Petersbourg 1887, Paris 1938) est une figure emblématique de l'entre-deux guerres.
Sa vie est celle d'un artiste itinérant. Liée à sa production artistique, elle en est la source et le reflet. Après une formation classique au pastel et à la sanguine à l'École des Beaux arts de Saint Petersbourg, il quitte sa ville natale pour la première fois en 1913. Il bénéficie d'une bourse de l'académie et visite l'Italie et l'Espagne. Restant dans la tradition classique du Grand Tour, initié au XVIIIème, l'homme découvre avec enthousiasme Piero della Francesca ou El Greco. Sa formation classique s'arrête ici et un second voyage, octroyé par l'académie, lui permet de découvrir la Chine et le Japon. Il part pour Pékin et commence sa vie d'artiste nomade : il ne retournera jamais en Russie.
En Chine, il crée son cachet-signature : "Ya Kou Lo Fou", transcription phonétique de son nom, qui signifie également le Maître des Images. Il change alors sa signature pour un monogramme chinois. Cette première mutation montre une capacité fondamentale et essentielle d'Alexandre Iacovleff, celle de l'adaptation et peut-être au-delà, celle de la transfiguration qui fait de l'homme un artiste majeur. Il ne peint pas le pittoresque mais recherche l'universel par les particularités physiques et sociales. Quand éclate la Révolution d'octobre 1917, alors parfaitement intégré à la société pékinoise, il retourne en Europe.
Il se rend à Paris, s'installe à Montparnasse, rencontre la communauté russe et la vie parisienne. Pour la réalisation de fresques, le restaurant « La Biche » lui offre le couvert. Il développe ses talents de portraitiste et quelques commandes prestigieuses lui assurent une solide réputation. Sa rencontre avec Georges Haardt scelle sa vie d'itinérances. En effet, ce dernier lui propose de rejoindre l'équipe de la Croisière Noire, mission promotionnelle et philanthropique initiée par André Citroën.
Entre octobre 1924 et juin 1925, les aventuriers traversent l'Afrique du Nord au Sud pour rejoindre Madagascar. Iacovleff travaille sans cesse à sa tâche : rapporter des témoignages graphiques des personnes rencontrées et des paysages traversés. L'enthousiasme populaire pour les missions d'exploration est à son comble au début du XXème siècle et l'immense succès de la mission fait de l'artiste une célébrité.
Les portraits que réalise Iacovleff sont des rencontres intimes avec leurs modèles. L'artiste ne s'attache pas à l'anecdote mais à l'homme et indique quand il le peut l'identité du modèle. Sa virtuosité technique lui permet toutes les audaces plastiques. À son retour, sa science du portrait fascine la haute société parisienne et son génie opère devant elle comme face aux chefs de tribus africains. L'artiste mute, s'adapte et charme toujours, notamment lors de son exposition à la Galerie Charpentier.
Il passe de longs séjours sur l'île de Capri. Comme dans sa jeunesse sur l'île d'Oshima, il se mêle aux groupes de pêcheurs dont il dépeint le quotidien. Mais, c'est l'aventure qu'il attend. Georges Haardt lui propose de rejoindre la Croisière Jaune.
Reprenant la Route de la Soie, elle se termine en février 1932. Elle compte parmi ses membres le peintre russe. Les obstacles, plus nombreux, en font un véritable périple. Iacovleff travaille pourtant inlassablement et ramène de précieux témoignages. Son génie est intact. La mort soudaine de Georges Haardt annule le trajet de retour initialement prévu. L'équipe retourne en France par la mer. Sur son chemin, Alexandre Iacovleff fait une halte à Cao Bang.