34ème VENTE GARDEN PARTY - I
Lot 122
Henri de Toulouse-Lautrec (Albi, 1864-1901, Saint-André-du-Bois)
La Loïe Fuller sur la piste, c. 1893
Huile sur papier marouflé sur carton.
Étiquette d'écolier au dos du carton numérotée 34.
Haut. 49 Larg. 56 cm.
Carton : Haut. 55,5 Larg. 65 cm.
(Accidents et déchirures).
Provenance :
- collection Emmanuel Bénézit,
- collection Marcel Guiot,
- collection Georgette Brisset, épouse Bessou, 1946,
- par descendance familiale, Touraine.
A picture of American dancer Loïe Fuller performing at the "Folies Bergères" music hall, c. 1893. By Henri de Toulouse-Lautrec. Oil on paper on cardboard.
Bibliographie :
- Brame et de Haucke, "Toulouse Lautrec et son uvre", Collectors Editions, New York, 1971, n° P515, reproduit dans le volume 2, p. 315.
- Foucart et Sugana, "Tout uvre peint de Toulouse Lautrec", Flammarion, Paris, 1986, n° 475, reproduit p. 117.
Certificat :
- Marcel Guiot, 4 rue Volney Paris IIe, en date du 4 février 1946,
- André Schoeller, 33 av du général Sanal Paris XVIe, en date du 6 février 1946,
- Art Loss Register, Londres, en date du 18 janvier 2022.
LAUTREC ET FÜLLER : LE SYMBOLISME D'UN ART NOUVEAU
Lorsqu'une jeune américaine de lIllinois, Loïe Fuller, récemment divorcée dun colonel polygame, arrive en France en 1892, lartiste aristocrate albigeois de deux ans son cadet, Toulouse Lautrec, nest déjà plus la simple coqueluche des salons parisiens mais est aussi devenu une figure de la bohème montmartroise.
Marie-Louise Fuller (1862-1928), dite Loïe Fuller, triomphe aux Folies Bergères, où elle est accompagnée par une équipe d'électriciens éclairagistes dirigée par son frère. Faisant tournoyer de longs voiles quelle tient à bout de bras prolongés par de fines tiges, elle se métamorphose en danseuse serpentine ou en orchidée
insaisissable. Elle incarne lesprit même de la danse « symboliste ». Jean Lorrain décrit lyriquement ce phénomène : « Était-ce une danse ? Était-ce une projection de lumière ou une évocation de quelque spirite ? Mystère. Les teintes et les nuances séclairaient tour à tour développées tantôt en spirales, puis soudain agitées comme des ailes, puis écoulées en capricieuses volutes, et au milieu de ce flot de vapeur et de voiles mobiles, un buste de femme émergeait. »
Henri de Toulouse Lautrec est fasciné par cette femme qui danse sur un plancher de verre rétro éclairé, et dont limage se reflète à linfini par un subtil jeu de miroirs. Il voit en elle une moderne Victoire de Samothrace et lui consacre la plus symboliste et novatrice de ses affiches. La Loïe y devient une flamme incandescente, un mouvement vertical, fulgurant, dont le peintre parsème de poudre dor la soixantaine dimpressions réalisées. Las, les attentes de Toulouse Lautrec sont contrariées et la Loïe, qui deviendra lagent de Rodin aux États-Unis, confie à dautres affichistes le soin de sa promotion. Loïe Fuller poursuivra sa carrière accompagnée de Chéret, de Steinlen ou de Raoul Larche avant de mourir dans loubli.
Il ne reste que trois uvres sur papier évoquant ce travail : une première étude au musée dAlbi (MTL 152), une deuxième anciennement dans les collections Wildenstein et la nôtre, que lon peut considérer comme une uvre aboutie. Elle est passée par les collections dEmmanuel Bénezit puis du galeriste Marcel Guiot, avant dêtre acquise en 1946 par Georgette Brisset, commerçante issue dune famille de mandataires aux Halles, le ventre de Paris. Elle a été conservée dans sa descendance, en Touraine, jusquà sa redécouverte à loccasion de cette vente.
On y reconnaît la danseuse de dos avec son flamboyant chignon relevé à larrière de la tête, on devine les reflets des miroirs à gauche et à droite, on est pris dans un tourbillon de couleurs changeantes. Comme sur la célèbre toile du "Cirque Fernando" conservée à l'Art Institute of Chicago (1925.523), on se retrouve aux côtés de lartiste, assis derrière l'arc de cercle rouge du rebord de l'ancienne piste de cirque qu'étaient les Folies Bergères. Avec lui, on se prend à rêver dune petite américaine qui électrise la Ville Lumière et incarnera comme aucune autre le tourbillon symboliste dun Art Nouveau.
Adjugé : 80 000 €