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La halte de cavaliers

Dimanche 11 juin 2017 à 14h30

avec l'expertise du cabinet Turquin

Cliquez pour accéder à la vente

Attribué à Charles PARROCEL (Paris, 1688 - 1754)
La halte de cavaliers.


Toile.

Haut. 105,5, Larg. 145,5 cm.
(restaurations anciennes).

Beau cadre d'origine, en bois doré à fronton, sculpté d'attributs militaires. Travail français du XVIIIème siècle (accidenté).

Provenance :
- vente anonyme, Paris, Drouot Montaigne (Me Kohn), 12 mars 1997, lot 67 (Charles Parrocel).
- belle collection orléanaise.

Attributed to Charles PARROCEL. The halt of the riders. Canvas.

Une attribution à Pierre-Nicolas Lenfant (1704-1787) a également été suggérée.
Joint : certificat d'Herdhebaut-Latreille du 18 mars 1997 comme oeuvre de Parrocel.


Analyse uniformologique


Les cavaliers représentés, qui appartiennent manifestement à des régiments de cavalerie française, paraissent se situer dans une période 1740-1750, vraisemblablement au cours de la guerre de succession d'Autriche (1741-1748) qui vit notamment se généraliser les revers (dits "bavaroises") puis les collets aux habits à la française et la diminution de la taille des tricornes. L'année 1750 voit la publication du premier règlement précis des uniformes de cavalerie (ordonnance du 1er juin); or la longueur des revers du personnage central à pied en habit rouge, revers se prolongeant visiblement sous la taille (et normalement tout le long de l'habit), son épée à garde à branche unique, ainsi que la forme des chaperons de fonte "en bourse", sont antérieures à ce règlement. Cette scène pourrait-elle être datée de1745, année de Fontenoy (11 mai) ? Car si la couleur de l'équipage de cheval du régiment à l'arrière-plan à gauche est exact et si l'identification donnée ci-dessous est bonne, il semble que la scène puisse se situer avant juin 1745.

En 1740, il y a 57 régiments de cavalerie proprement dite : 15 régiments royaux ou princiers en habit bleu à distinctive rouge, 5 régiments particuliers vêtus d'un habit rouge à distinctive noire, rouge ou bleue, et 37 régiments de "gentilshommes" en habit de drap gris-blanc à distinctive rouge. L'équipage des chevaux est de couleur variable, avec un galon à la livrée du colonel (sauf les officiers qui l'ont or ou argent selon la couleur du bouton).

Sur la toile, nous pouvons recenser cinq régiments différents :

• 1 : un régiment en habit rouge à distinctive noire (personnage à pied à droite du cavalier central)
• 2 : un régiment en habit rouge à distinctive bleue (groupe de cavaliers à l’arrière-plan, à gauche)
• 3 : un régiment en habit bleu à distinctive rouge (cavaliers à pied de part et d'autre du cavalier central)
• 4 : un régiment en habit bleu à distinctive jaune (deux personnages à l'extrême droite du tableau)
• 5 : un régiment en habit gris-blanc à distinctive rouge (cavalier central, personnage assis au premier plan à gauche, personnage de dos au premier plan à droite - avec un drap presque blanc -, plusieurs cavaliers au second plan à droite)

On peut remarquer que tous les galons d'équipages de chevaux visibles sur le tableau sont unis, blanc ou jaune, alors qu'il s'agit d'hommes de troupe (appelés "maîtres" dans la cavalerie).

I - Régiment Colonel-Général Cavalerie


L'habit rouge distingué de panne noire est sans contestation possible celui du Colonel-Général.

Règlement : habit, collet et retroussis rouges, revers et parements noirs, galon de chapeau et boutons or; équipage du cheval rouge à galon de livrée de Turenne, à carreaux noirs et blancs, et faisceau de drapeaux dans l'angle postérieur de la housse et sur le chaperon de fonte.

Le personnage est donc conforme au règlement.

Le seul cheval sans cavalier, visible sur le tableau au second plan à gauche, ne peut être celui de ce cavalier de Colonel-Général. Ce cheval gris ("blanc") a son équipage bleu à double galon argent et le manteau rouge : cet équipage est caractéristique des gradés et tambours des grenadiers à cheval de la Maison du Roi; la troupe étant remontée en chevaux noirs et les tambours en chevaux gris, il pourrait s'agir d'un cheval d'un tambour des grenadiers à cheval mais dont la présence ici est inexpliquée.

Historique : régiment créé en 1651 sous le nom de Turenne Cavalerie pour Henri de La Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne, maréchal de France; devient Colonel-Général Cavalerie en 1657, titre qu'il conserve jusqu'à la Révolution. Devenu le 1er régiment de Cavalerie puis le 1er Cuirassiers en 1803.
Colonel-Général pendant la période qui nous intéresse : Godefroi-Charles­ Henri de La Tour d'Auvergne, prince de Turenne.
Colonels commandant le régiment : le comte d'Ons-en-Bray depuis 1730, le marquis de Soisy en 1744, le comte d'Ourches en 1748.

II - Régiment Pons Cavalerie


Outre Colonel-Général, quatre régiments ont l'habit rouge : celui de La Reine à distinctive bleue mais avec les galons et boutons or, celui de Noailles entièrement rouge à galon et boutons or, et, avec la distinctive bleue et les galons et boutons argent, le régiment de Pons et le régiment irlandais de Fitz-James. Ces deux derniers régiments se distinguent par l'absence ou la présence de revers (qui sont invisibles sur le tableau) mais surtout par la couleur de l'équipage du cheval : bleu pour Pons et rouge pour Fitz-James.

Règlement : habit et collet rouges, pas de revers, parements et retroussis bleus, galon de chapeau et boutons argent; équipage du cheval bleu à galon de livrée inconnue pour Pons (à partir de 1745, équipage vert à galon à carreaux jaunes et verts pour Harcourt puis Beuvron).

Sur le tableau, le collet est bleu; l'équipage bleu du cheval permet de dire qu'il s'agit du régiment pendant son commandement par le vicomte puis marquis de Pons (le galon n'est guère visible mais uni).

Historigue : créé en 1689 sous le nom de La Marck, prend le nom de Pons en 1735 lorsqu'il est acquis par Charles-Philippe vicomte de Pons; donné en juin 1745 à Anne-François chevalier d'Harcourt qui devient en 1748 marquis de Beuvron, il prend successivement les noms de Harcourt puis Beuvron Cavalerie; devenu Prayssac Cavalerie en 1759, il sera réformé en 1761. Offert à l'origine par Egon de La Marck au cardinal de Fürstemberg, le régiment a conservé son habit rouge par tradition.

III - Régiment Royal-Pologne Cavalerie


C’est le seul régiment "royal", c'est-à-dire avec l'habit bleu, qui a un collet rouge (avec Royal­-Allemand mais dont la coupe de l'habit est tout à fait particulière et qui coiffe un bonnet à poil).

Règlement : habit bleu sans revers, collet, parements et retroussis rouges, galon de chapeau et boutons d’argent; équipage du cheval bleu (comme tous les régiments royaux) à galon aurore à grains d’orge bleus chargés d’une mouche blanche.
L’équipage du cheval représenté (qui ne peut être qu’à l’homme qui règle ses étrières) est rouge (erreur du peintre ou fantaisie temporaire du régiment notée à bon escient ?); il a son galonnage blanc uni ou argent, alors que notre homme est manifestement un simple maître et non un officier.

Historique : crée en 1653 sous le nom de Nogent, donné en 1725 à Stanislas Leczinski sous le nom de Stanislas-Roi, devient Royal-Pologne en 1737, titre qu’il conserve jusqu’à la Révolution. 5e de cavalerie puis 5e de cuirassiers en 1803. Colonels commandant pendant la période qui nous intéresse : la duc de Châtellerault depuis 1738, le comte de Mérinville en 1744, le comte de Béthume en 1746.

IV – Non identifié


Les régiments "bleus" sont des régiments royaux ou princiers et tous ont la distinctive rouge.
Aucune distinctive jaune avant 1750 - et même 1762 ?
A moins qu’il ne s’agisse d’une troupe de cavalerie d’un corps franc ou de volontaires (la légion de Soubise et les volontaires du Dauphiné ont eu notamment des cavaliers en habit bleu à distinctive jaune, mais qui ne correspondent absolument pas aux cavaliers de la toile), ou encore un corps étranger allié ?

V – Non identifiable


Les régiments "gris" étaient les régiments de "gentilshommes" changeant de nom avec leurs propriétaires et avaient tous la distinctive rouge, toujours aux parements et retroussis, certains aux revers, aucun semble-t-il au collet (alors que nos cavaliers ont bien leur collet rouge) et très peu avec les galons et boutons or. L’identification est donc délicate. Seul pourrait nous renseigner avec certitude le galon de l’équipage du cheval, mais celui-ci est montré jaune uni.

A noter un bas-officier avec parement bordé d’un galon d’or au second plan.

Sous toute réserve, il pourrait s’agir de Beaucaire-cavalerie (1730-1748) qui avait les parements, revers et retroussis rouges avec les boutons or, et l’équipage rouge bordé d’un galon isabelle à chaînette bleue (d’où un fond jaune sur la toile si le galon est inachevé…).

Jean-Claude Colrat

La Bataille de Fontenoy, 11 mai 1745. Horace Vernet (1789-1863). Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon
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