La saga des Rouillac
Jeudi 12 décembre 2019
La Gazette Drouot, Philippe Dufour
En images et en texte, une aventure qui tient souvent de la chasse aux trésors et résume bien la vocation plurielle de commissaire-priseur.
Aymeric Rouillac est un habitué des médias ; il le confie volontiers luimême : il aurait aimé être reporter. On a pu le voir sur TV5, et le jeune commissaire-priseur anime toujours une émission sur TV Tours, où il présente avec passion, et un véritable sens du suspense, les pépites dénichées par la maison familiale.Mais cela ne lui suffisait pas : il y a désormais ce livre, qui retrace trente ans de trouvailles hors du commun, effectuées d’abord en solo par son père, Philippe, et désormais en
tandem. L’idée d’un tel ouvrage a germé il y a quelques années, lorsque l’auteur a commencé à « coucher sur le papier les
histoires de nos découvertes les plus étonnantes », précise-t-il. Des moments d’exception que le plus imaginatif des écrivains n’aurait su inventer… et que seuls certains commissaires-priseurs ont (parfois) la chance de vivre.
Et puis, « il y a eu la rencontre capitale avec l’éditrice Monelle Hayot, qui a concrétisé ce désir d’un ouvrage qui se lirait comme un roman ». Plongé dans les press-books et les boîtes à ektachromes, Aymeric a donc remonté le temps pour reprendre la saga à ses débuts. Nous sommes en 1989. Philippe Rouillac, commissairepriseur à Vendôme, organise sa toute première vente «garden-party » au château de Cheverny, sur le conseil de la marquise Sue de Brantes ; l’attachée de presse américaine, devenue française par son mariage, est la bonne fée de cette aventure, qui contribuera au succès de l’entreprise. D’année en année, ces garden-parties, tenues désormais au château d’Artigny, sont devenues de véritables événements.
Collectionneurs exigeants et simples curieux y côtoient des stars du show-biz, comme Mick Jagger, ainsi qu’une aristocratie
tourangelle communiquant cet «esprit du Val de Loire », décortiqué dans le chapitre d’introduction. Point fort de l’ouvrage,
l’abondante illustration permet de revivre les plus belles enchères, égrenées par le florilège en vingt chapitres constituant le corps de l’ouvrage. On se passionne alors pour ces pièces, dont les prestigieux commanditaires sont parfois retrouvés après une longue enquête. C’est le cas du coffre en laque du Japon ayant appartenu au cardinal Mazarin et redécouvert dans une famille de l’Ouest, transformé en bar où l’on range les bouteilles d’apéritifs ! Identifié, il sera bataillé jusqu’à 7,3 M€, le 9 juin 2013, par le Rijksmuseum d’Amsterdam.
Les souvenirs de Rochambeau et de la guerre d’Indépendance, quant à eux, avaient attiré à Cheverny les collectionneurs d’outreAtlantique : le 9 juin 2002, un Portrait de George Washington par Charles Wilson Peale (1782), offert par le premier président des États-Unis à son allié français, est adjugé à 5,18 M€. Demeurés longtemps anonymes dans des maisons sans histoire, quelques tableaux hors du commun seront ainsi mis sous les projecteurs. On revit le parcours jusqu’à l’envolée à 16 MF (soit 2,21 M€) de Vénus et l’amour voleur de miel par Cranach, daté de 1532, qui dormait dans une chambre de service.
L’on y retrouve aussi les tribulations du tableau inédit des frères Le Nain, un merveilleux Christ enfant méditant sur la Croix peint vers 1642 et repéré chez une septuagénaire vendéenne : le 10 juin 2018, l’œuvre enregistrait le record mondial pour ces artistes, à 3,59 M€. Quant à la gourde en porcelaine céladon aux imposantes dimensions et qui servait de cendrier dans un château, reconnue comme celle de l’empereur Qianlong, elle recueillait plus de 5 M€ le même jour… Et au fil des chapitres, Aymeric Rouillac restitue bien d’autres découvertes, comme autant d’aventures humaines et professionnelles. La saga ne fait que commencer !