De la littérature locale en cadeau de Noël
Lundi 16 décembre 2019
Le Petit Solognot, Jules Zerizer
Que les chocolatiers de Loir-et-Cher et de France n’en prennent pas ombrage en parcourant ces quelques lignes provocatrices à la veille de Noël et de la trêve, dite des confiseurs. La comparaison est, certes, hasardeuse, mais la hantise de page blanche me fait broyer du noir de cacao. En se basant sur le prix au kg du chocolat entre 79 et 81 euros, dans le haut du métier et du panier de la ménagère, pourquoi ne pas investir, plutôt, en cadeaux, dans des livres portant sur l’histoire et les histoires de notre département. Deux ouvrages, récemment sortis, constitueront des bases d’offrandes qui ne risquent pas de détraquer, en cas d’abus, le foie de ses utilisateurs, tout en développant leurs méninges.Poids-lourds de l’édition et bien secs au tirage, «Châteaux, manoirs et Logis, Le Loir-et-Cher» score 2,736 kg sur la balance face à «Adjugé!, la saga des Rouillac», qui avoue moins de 2 kg, à 1,982 kg.
Histoire au fil des pages.
Le premier, sous la direction éclairée et passionnée d’Yvan de Verneuil, un Loirétain, qui adore le Loir-et-Cher, est promu par les éditions Patrimoines Médias, à 53,50 euros les 454 pages. Il décrit, avec moult illustrations photographiques de qualité, plus de 650 sites dont la majorité est visible de l’extérieur et donc accessible, par la vue, à tout un chacun de celles et ceux qui emprunteront les routes de notre département en un rallye qui ne peut être qu’instructif et passionnant en se basant sur ce livre-guide. Pas moins de douze auteurs dont le directeur de la publication précité ont apporté leurs concours éclairés à cette «bible» fournie, à savoir Pierre de Bizemont, Philippe Claire, Monique Fermé, Nicole Fiot, Hugues de Froberville, Hélène Lebédel-Carbonnel, Claude Leymarios, Alain Quillout, Jean-Paul Sauvage, Hubert de Vergnette et Jean-Luc Vezon.Présenté aux derniers Rendez-vous de l’Histoire de Blois, ce dictionnaire immobilier et historique a recueilli un premier accueil de sympathie et d’enthousiasme, en rappelant quelques tranches d’histoires de notre patrimoine ancien fortement implanté dans ce Val de Loire, de Loir et d’ailleurs, depuis, et pour encore, des siècles, s’il peut être conservé et restauré…Ce sera notre souhait déposé dans la crèche !
Plus de 40 ans de coups de marteau…
On ne conte plus l’histoire de la famille de commissaires-priseurs, père et fils Rouillac, Philippe et Aymeric qui, à Vendôme pour le premier, et Tours pour le second, ont remué ou secoué, en province dans le temps, en région maintenant, depuis presque un demi-siècle, les ambiances archaïques et poussières des ventes aux enchères. Tout cela, avec une idée, un coup de génie, en 1989, quand Philippe Rouillac et son épouse, Christine, née Lelièvre, fille, sœur, belle-sœur, tante, puis mère de commissaire-priseur, soutenus par une équipe soudée de fidèles amis, lancèrent, au château de Cheverny, la première vente-garden-party à la Française. «The French Touch» allait perdurer pour se poursuivre, ensuite, au château d’Artigny…en Indre-et-Loire, au rythme des marteaux d’ivoire signés Goudji.Au fil des 320 pages aux éditions Monelle Hayot, pour un investissement de 39 euros, le lecteur parcourra la saga exceptionnelle de cette famille, via quelques-unes des 1 117 ventes recensées, au moment de l’impression, pour un montant de 152 millions d’euros. On rêve, on admire, on entre en transes au fur et à mesure que le feu des enchères s’enflamme. Le record : 7 311 000 euros pour un coffre en bois des Indes de feu le cardinal Mazarin à Cheverny pour un musée des Pays-Bas, la France n’ayant pas jugée bon de monter les enchères ou de faire jouer ses droits de préemption. On fredonnera les chansons de Barbara en suivant la vente de ses affaires personnelles et on s’extasiera devant les croûtes de Picasso, en suivant ces chasseurs de trésors, passeurs d’objets, d’émotions, conteurs d’histoires, de secrets et d’anecdotes. Aymeric, qui fut tenté par le journalisme (ça rapporte bien moins, camarade…), a recueilli tous les documents, accompagnés de témoignages, de cet ouvrage qui retrace aussi la vie d’une famille de province simple qui n’hésite pas à accueillir à la table familiale les personnes désirant se séparer d’objets. Terminons sur une phrase trouvée dans ce livre exceptionnel «Le bonheur n’existe pas-L’Art existe-. C’est peut-être le seul bonheur et il se partage», ce qui n’empêche pas de continuer à rêver, grâce aux Rouillac qui, humblement, reconnaissent quelques échecs minimes…Et si c’était cela la classe, en plus de la French Touch. Sue de Brantes aurait apprécié, n’en doutons pas, ce livre qui lui rend un hommage appuyé posthume.
Jules Zérizer