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Le mime Jean Charles Deburau interprète Pierrot

Samedi 04 février 2023

par Nadar Jeune

Nadar Jeune (Français, 1825-1903), Adrien Tournachon, dit

Le mime Jean Charles Deburau (1829-1873) interprète Pierrot, 1854-55

Pierrot photographe, Pierrot surpris, Pierrot plaidant, Pierrot à la corbeille de fruits, Pierrot riant, Pierrot écoutant, Pierrot souffrant, Pierrot au pot de médecine, Pierrot voleur, Pierrot tenant une pièce de monnaie Pierrot ouvrant une enveloppe avec la mention : « À Monsieur Ad Tournachon Nadar Jeune / fondateur de Maison de la photographie 11 Bd des Capucines », Pierrot enjambant une porte-fenêtre.

25 tirages par contact, à partir de négatifs contretypes de photographies d’époque.
Cachet-signature du photographe « Nadar Jne » dans l’image.

Photographies de la série « Têtes D’expressions » réalisées en 1854-1855 dans l’atelier du 11 Boulevard des Capucines à Paris.

Format moyen : 17 x 12 cm.
Format moyen avec marges : 19,5 x 13,5 cm.

Provenance :
- offert par Nadar à Marie Pellechet (1840-1900) ; issue d’une famille aisée, elle connut une existence à la fois traditionnelle et pionnière, voire féministe dans plusieurs domaines dont notamment la photographie ;
- sa descendance, hôtel particulier du cloître Saint Aignan, Orléans.

An 1854-1855 series of 25 contact prints of photographs taken by "Nadar Jeune" (Adrien Tournachon, aka) of mime Jean Charles Debureau as Pierrot the Clown.

LES PIERROTS DE NADAR VUS PAR YVES DI MARIA

Adrien Tournachon, peintre de formation, est le frère cadet de Félix Tournachon, dit Nadar (1820-1910), auteur, caricaturiste, journaliste très en vue à l’époque dans le monde des arts et des lettres. En 1853, Felix présente son frère à Gustave Le Gray, qui l’initie à l’art de la photographie. Fort de cet enseignement, Adrien ouvre en 1854 un atelier au 11 Bd des Capucines grâce à l’appui de Nadar qui se porte garant vis à vis de la banque Laffitte et Blount.

Le succès vient en photographiant

Pour aider son frère à bénéficier de sa notoriété, Félix propose à Adrien de signer ses photographies
« Nadar jeune ». C’est aussi Nadar qui présente à Adrien le mime Deburau en vue de la création des photographies de la série « Têtes d’expressions ».

Interpellé par l’essor de la photographie et le succès que ce nouvel art rencontre, Nadar décide de se former auprès de Camille d’Arnaud et ouvre en 1855 son propre atelier au 113 rue Saint-Lazare.

Félix demande alors à Adrien de renoncer à signer ses œuvres « Nadar » et « Nadar Jeune ». Mais Adrien Tournachon passe outre cette exigence et la série des Pierrot, signée « Nadar Jne », est sélectionnée pour la première exposition de photographies dans le cadre de l’exposition universelle française d’avril 1855.

Les Pierrot rencontrent un tel succès qu’une médaille de première classe est attribuée à « Nadar Jeune ». Cette distinction éveille l’intérêt du Docteur Duchenne de Boulogne qui demande à Adrien de réaliser les portraits de son célèbre ouvrage « Le Mécanisme de la Physionomie Humaine ».

En octobre 1855, Adrien et ses associés créent la société « Tournachon, Nadar Jeune et Cie », dont le siège social est situé au 17 boulevard des Italiens. En janvier 1856, la société reçoit le titre de « Photographes de S.M. l’Impératrice ». La même année, l’affiche de réclame de la société, au Pierrot photographe, présente les deux adresses de l’activité : le salon du Bd des Italiens et la succursale du Bd des Capucines.

Le procès Nadar

Agacé par le succès de son frère et surtout par l’emprunt de son nom d’artiste, alors qu’il est devenu lui-même un photographe célèbre, Félix intente un procès à Adrien en 1856, que Félix gagne en 1857, le jugement lui octroyant l’exclusivité des droits sous le pseudonyme Nadar.

Suite à cette décision de justice et probablement par crainte de la confiscation des négatifs originaux et des épreuves signées Nadar jeune, nous supposons qu’Adrien Tournachon aurait réalisé les contretypes de la série des Pierrot afin d’en conserver la trace. Par ailleurs, dans l’ouvrage « Les Nadar, une légende photographique ». BnF. 2018, Mathilde Falguière écrit dans son article - Le fonds d’atelier Nadar : sauvetage et traitement - "les Nadar ont très tôt reproduit leurs négatifs ou leurs épreuves pour en modifier le format ou le style : une image peut correspondre à plusieurs négatifs."

En 1858, Adrien et ses associés dissolvent la société Tournachon, Nadar Jeune et Cie. En 1861, Adrien crée une nouvelle société « Photographie des Champs-Élysées, Joannès et Cie, Adrien Tournachon Jeune, 124 avenue des Champs-Élysées ».

L’activité de cette dernière société tourne court et, avant la vente du fonds de photographie en 1862, Félix Nadar fait l’acquisition des droits des œuvres de son frère pour les éditer en portraits-cartes de visite qu’il signera Nadar. Ainsi, au fil du temps, les portraits des personnalités photographiées par Adrien Tournachon seront, pour la plupart, attribués à Félix Nadar.

Notes

- Le pseudonyme de Nadar vient du surnom que les amis donnent à Félix Tournachon en l’appelant « Tournadard », car l’artiste avait l’habitude de terminer certains mots par la terminaison « dard ».
- Une épreuve sur papier albuminé « Pierrot écoutant » a été présentée par l’étude Rouillac en juin 2012 (adjugée au marteau 48 000 €). Sur le montage de cette épreuve figurent deux timbres : "Adr. Tournachon Jne & C° Photographes de S M l'Impératrice 17 Bd des Italiens Paris". Autre timbre sec sur le côté gauche du montage " Les Salons de Paris Tournachon Photogr. de S. M. l'Impératrice Rue Le Peletier, 17 Bd des Italiens".
- L’affiche de la discorde : éditée en 1856 et illustrée au Pierrot photographe pour la promotion de la nouvelle société créée par Adrien Tournachon et ses associés, l’affiche emploie dans l’annonce le pseudonyme « Nadar Jne » qui contribuera à décider Félix à intenter un procès à son frère pour obtenir l’exclusivité du pseudonyme Nadar.

Bibliographie

- « Les Nadar, une légende photographique » sous la direction de Sylvie Aubenas et Anne Lacoste. Bibliothèque nationale de France. 2018. (Voir Bibliographie et sources par Joséphine Givodan en fin de volume).
- « Les Nadar, une saga familiale ». Interview de Sylvie Aubenas par le journal La croix le 14 janvier 2019.
- Marc Durand, De l’image fixe à l’image animée. Actes des notaires de Paris pour servir à l’histoire des photographies et de la photographie, Pierrefitte-sur-Seine, Archives Nationales, 2015.
- « Modernisme ou modernité. Les photographes du cercle de Gustave Le Gray ». Anne de Mondenard, Marc Pagneux. Actes Sud 2012.
- "Controverses, une histoire juridique et éthique de la photographie" par Daniel Girardin et Christian Pirker, Actes Sud-Musée de l'Elysée, Lausanne, 2008". Voir pages 24-25.
- "Nadar, les années créatrices : 1854-1860" Musée d'Orsay, RMN, Paris 1994. Voir les textes de Maria Morris Hambourg sur le travail du photographe et les descriptions des scènes du mime Deburau en Pierrot. Pages 290 à 295.
- "Catalogue des expositions organisées par la Société Française de Photographie 1857-1876 ». Jean-Michel Place, 1987).

ADDENDA

Il s’agit de tirages argentiques par contact réalisés à partir de négatifs contretypes de photographies d’époque*.
Le papier vélin de ces tirages est mat, plutôt mince, il se tient bien à plat sans aucune trace de filigrane discernable en transparence et ne présente pas de couche protectrice de type albumine sur l’image. Le procédé employé pour la réalisation de ces tirages pourrait être un papier salé. Toutefois il n’est pas flagrant que l’image soit contenue dans les fibres du papier.
On peut donc aussi bien supposer qu’il pourrait s’agir d’un des premiers papiers à l’albumine ou d’un des premiers papiers de type aristotype.

Nous situons donc la période de tirage de ces 25 photographies entre 1855 et 1870.

Les sujets « Têtes d’expression » par « Nadar Jeune » présentées à Artigny correspondent pour certains aux photographies conservées au Musée d’Orsay et présentées au cabinet des photographies du musée du 28 sept. 2021 au 23 janvier 2022 par Thomas Galifot**. Certaines des œuvres exposées proviennent de la collection du mime Alexandre Guyon qui avait joué en 1850 aux côtés de Charles Deburau et de Paul Legrand dans Les Trois Pierrots*. D’après les notices des œuvres conservées au Musée d’Orsay le mime Alexandre Guyon aurait acquis ces épreuves directement auprès du photographe.
En comparant les épreuves du fonds Alexandre Guyon du Musée d’Orsay*** aux tirages contact présentés à Artigny, nous constatons que le cachet-signature Nadar Jne est rigoureusement positionné à la même place. On peut donc dire que les négatifs verre contretypes représentent les épreuves originales d’Alexandre Guyon. Les négatifs-verre, qui ont permis les tirages de la série Pierrot ne semblent pas avoir été identifié dans le fonds Nadar acquis par l’état français en 1950, lequel constitue une collection de 200.000 négatifs sur plaques de verre au collodion et au gélatino-bromure.

* La réalisation de contretypes, depuis l’origine de la photographie jusqu’aux années 1970, a toujours été pratiquée par les professionnels, et les amateurs éclairés, du daguerréotype au tirage de presse. À propos des Nadar Mathilde Falguière écrit qu’ils ont très tôt reproduit leurs négatifs ou leurs épreuves pour en modifier le format ou le style. Article : « Le fonds d’atelier Nadar : sauvetage et traitement - Les Nadar, une légende photographique. BnF. 2018 ».
**« Têtes d’expression de Pierrot ». Adrien Tournachon Nadar et le mime Deburau. Accrochage de photographies au Musée d’Orsay du 28 septembre au 23 janvier 2022. Cabinet de photographie. Commissariat : Thomas Galifot, conservateur en chef Photographies.

***Pour la comparaison avec les tirages présentés à Artigny, voir l’ouvrage "Nadar les années créatrices : 1854-1860", Musée d'Orsay, RMN, Paris 1994, les textes de Maria Morris Hambourg sur le travail de Nadar et les séances du mime Deburau en Pierrot pages 290 à 295.
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