Embarquement immédiat !
Samedi 24 juin 2023 à 07h
Cette semaine, Xavier nous interroge sur l’origine d’une ancienne malle de voyage. L’occasion pour Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur son histoire et sa valeur.
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage », nous disait Joachim du Bellay dans ses Regrets. Le voyage, qu’il soit nécessaire ou d’agrément, forge l’imaginaire de l’Homme et entretient les fantasmes. En cette semaine de solstice d’été, l’occasion est belle de nous pencher sur cet objet qui nous renvoie à l’âge d’or du voyage. La malle est un objet très ancien. On estime que les plus anciens exemplaires datent de l’Antiquité égyptienne, époque et lieu où le voyage continue après la mort dans le royaume d’Anubis. L’évolution de la malle de voyage continuera tout au long de l’histoire, ainsi que les matériaux utilisés pour sa confection. Bois, bronze, cuir, toile, malles à pharmacie, malles-bibliothèques, malles-dressing, à couvercle plat ou bombé, tant de possibilités sont offertes aux faiseurs ! Le XIXe siècle représente un tournant, à la fois dans l’art du voyage et dans celui des malletiers. Le développement du chemin de fer propulse la bourgeoisie sur le chemin des vacances, et de grandes maisons, telles que Louis Vuitton, voient le jour. Sur votre malle, Xavier, on semble apercevoir une plaque « A Saint Hubert », un fabricant parisien de malles légères du XXe siècle.
De la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1960, on assiste à un véritable essor du voyage, une période que certains historiens vont nommer l’Age d’Or. En plus du train, l’aviation, l’automobile et les paquebots de croisière se développent. Les grandes compagnies rivalisent d’ingéniosité pour attirer les grandes fortunes : avion le plus rapide, cabine la plus luxueuse, hôtel d’altitude le plus haut perché… Les malles des voyageurs reviennent bardées d’étiquettes rappelant leur périple. La vôtre, Xavier, en possède plusieurs, qui témoignent d’un voyage entre New-York et la vieille Europe en 1966 à bord du Queen Mary, l’un des plus célèbres transatlantiques, propriété de la Cunard, grande société de navigation commerciale anglaise. 80 000 tonnes d’acier, 310 mètres de long, le navire, nommé en l’honneur de l’épouse de George V, a sillonné l’Atlantique pendant plus de 30 ans, avant de finir sa carrière en 1967 comme restaurant flottant en Californie. Une retraite méritée pour ce vénérable navire, qui aura transporté non seulement des voyageurs, mais aussi des soldats lors du dernier conflit mondial, tout en zigzaguant entre les torpilles des U-boots ! Il aura donc connu un plus heureux destin que son célèbre prédécesseur de la White Star Line, le Titanic, qui fait malheureusement de nouveau la une de l’actualité cette semaine. Les cabines de première classe du Queen Mary étaient particulièrement luxueuses, et les passagers les plus aisés disposaient d’une piscine intérieure et d’un court de tennis.
Votre malle, Xavier est dans un état qui semble assez moyen. Le cuir est fatigué et il manque au moins un renfort de coin en métal. Les bagages de la marque Saint Hubert ne sont ni très rares, ni très recherchés sur le marché. Le véritable intérêt de votre objet n’est donc pas financier, mais il nous permet de nous replonger dans l’époque fantastique des grandes lignes transatlantiques. C’est pourquoi votre malle pourrait trouver amateur aux enchères aux alentours de 50 euros. Une somme tout à fait raisonnable pour s’évader en ce début d’été.