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De la poudre aux yeux pour la Reine Claude

Samedi 09 septembre 2023 à 07h

Cette semaine, Hubert, de Tour-en-Sologne, soumet à l’expertise d’Aymeric Rouillac une petite boîte en médaillon aux reflets argentés. L’occasion pour notre commissaire-priseur de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de cet objet.



Ce petit objet de forme octogonale qui s’ouvre par un couvercle à charnière circulaire, révélant, à l’intérieur, un petit miroir, est un poudrier. Il permet aux élégantes de se farder le visage en tout lieu avec de la poudre de riz, cosmétique venue d’Orient et adaptée en Europe avec de la racine d’iris. Si le XVIIIe siècle connait un essor spectaculaire des produits de beauté, tant féminins que masculins, la période qui s’étend de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1950 va s’avérer d’une importance capitale dans la diffusion du poudrier. Tout d’abord, l’usage du maquillage en général, et de la poudre en particulier, n’est plus réservé à la noblesse et gagne de nombreuses demeures bourgeoises. Le théâtre, et bientôt le cinéma, sont également des vecteurs importants : la poudre au visage permet de combler les petits défauts épidermiques des acteurs, révélés par un éclairage qui s’électrifie rapidement. Marylin Monroe, qui avait le sens de la formule, aura ce mot resté célèbre : « Les femmes ont à leur disposition deux armes terribles : le fard et les larmes. Heureusement pour les hommes, elles ne peuvent pas s’en servir en même temps. » Les contenants à poudre suivent également les modes. Poudriers Art Nouveau ou Art Déco fleurissent dans la première partie du XXe siècle. Les plus grands joaillers et parfumeurs du monde s’associent pour créer des pièces remarquables en or, argent, ou émail, aux incrustations de nacre, d’ivoire ou de pierres précieuses. Une excellente exposition a eu lieu en 2021 au Musée international de la parfumerie de Grasse, mettant en lumière plus d’un siècle de ces créations.

Votre poudrier, Hubert, est assez atypique. Il est décoré de délicates fleurettes et divers végétaux, comme des feuilles de lierre, caractéristique de l’Art Nouveau qui tire son inspiration de la nature. Mais on note également des symboles dans le goût oriental à l’intérieur et au revers de l’objet. Ces indices peuvent nous laisser penser qu’il s’agit d’un objet de production indochinoise du début du XXe siècle. Sur la face avant, un impressionnant cygne couronné et percé d’une flèche occupe une place centrale dans la composition. Ce cygne, que l’on appelle «navré », est l’emblème de Claude de France. Née à Romorantin en 1499 et morte à Blois en 1524, Claude de France est une des grandes figures féminines de l’Histoire de France. En effet, c’est la seule princesse à avoir été à la fois fille, épouse et mère de Rois de France ! Fille de Louis XII, elle épouse François Ier, et donnera naissance à sept enfants, dont le futur roi Henri II. Décrite par Brantôme comme une femme d’une grande douceur, Claude de France meurt à 24 ans. Elle laisse son nom de « Reine Claude » à une variété de prune, dont l’ambassadeur du Sultan Soliman le Magnifique lui avait offert un plant.

Si les poudriers des grands créateurs peuvent s’arracher à prix d’or, le vôtre, Hubert, malgré ses qualités et son état de conservation correct, n’est pas une pièce d’une grande rareté. Il nous faudrait pouvoir contrôler les poinçons pour confirmer qu’il est bien en argent, et peser l’ensemble. Cependant, au vu des éléments dont nous disposons, votre objet pourrait trouver amateur aux enchères aux alentours de 30 euros. Une somme raisonnable pour s’offrir un poudrier aux armes d’une reine !
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