FR
EN

On change d’heure ce weekend !

Samedi 28 octobre 2023 à 07h

Cette semaine, Philippe se questionne sur une petite pendule à poser en marbre. L’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur son histoire et sa valeur.



« Afflictis longae, celeres gaudentibus horae ». Beaucoup de cadrans solaires, en plus de donner l’heure, portaient une petite maxime. Celle-ci suggère que les hommes, en fonction de leurs émotions, ont une perception différente des heures qui passent, parfois trop courtes quand elles sont heureuses, et infinies lorsqu’elles sont douloureuses. Car l’homme, par définition, craint le temps qui passe. La religion, la philosophie et même les arts et la littérature tente de conjurer l’angoisse du temps qui file. En créant des appareils de mesure du temps, l’homme, en plus de pouvoir s’organiser par tranche horaire, cherche également à maîtriser cette fluence qui l’effraie. Depuis l’antiquité, les systèmes de mesure du temps ont évolué pour gagner en précision et en praticité. Les antiques clepsydres et cadrans solaires ont été remplacés par des sabliers et des horloges mécaniques au Moyen-Âge. Le XVIIe siècle voit l’apparition de l’horloge à pendule, gagnant en précision grâce au système développé par Huygens. Les XIXe et XXe siècles sont ceux de l’essor technologique de l’horlogerie ainsi que de sa démocratisation. L’électricité s’invite dans les mécanismes horlogers, la montre bracelet, le quartz et l’horloge atomique font leur apparition. De nos jours, il suffit de regarder son téléphone ou sa montre pour avoir l’heure avec une précision infinie… mais quel incroyable chemin a été parcouru avant d’en arriver là !

En même temps que les évolutions techniques, les horlogers ont créé des pièces qui suivent les modes esthétiques de leur temps. On retrouve donc d’importants cartels rocaille sous Louis XV, des pendules aux thèmes antiques pendant l’Empire, ou des courbes végétales ornant les pendules Art Nouveau. Votre pendule, Philippe, présente des lignes assez droites. C’est, si l’on résume grossièrement, un rectangle dont les angles supérieurs auraient été arrondis. Le marbre bicolore fait penser à un temple antique, les décorations de laiton doré sont bien symétriques, et les deux petits vases sont parfaitement rectilignes. Nous sommes donc devant une production Art Déco datant probablement des années 1930 et non aux alentours de 1900 comme vous le pensiez, cher Philippe. L’Art Déco, qui conquiert le monde suite à l’exposition de Paris en 1925, s’adapte à tous les arts : architecture, automobile, sculpture… Mais aussi à l’horlogerie. Les horlogers de l’époque s’en donnent donc à cœur-joie. La maison Jaeger-LeCoultre sort en 1931 sa mythique Reverso. Cette montre au cadran rectangulaire est la quintessence du style horloger de l’Art déco. Malgré le succès de la montre-bracelet, l’industrie horlogère continue de produire des pendules de table et des garnitures dites « de cheminée », dont l’ensemble que vous nous proposez, Philippe.

La production horlogère Art Déco a été importante. Il n’est donc pas rare de trouver des pendules comme la vôtre. Le cadran émaillé de blanc ne porte pas de nom de manufacture ou d’atelier. Peut-être l’intérieur est-il signé, ce qui pourrait avoir une incidence sur la valeur de l’objet. Mais à la simple lumière des éléments fournis et du bon état général de l’ensemble, votre objet, Philippe, pourrait trouver amateur aux enchères aux alentours de 50 euros. Une somme bien raisonnable pour se réveiller un peu plus tard en ce weekend de changement d’heure, profiter l’esprit tranquille d’un repos dominical bien mérité et, pourquoi pas, faire sienne cette citation de Ronsard : “Le temps s’en va, le temps s’en va, madame ; Las ! Le temps, non, mais nous nous en allons.”
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Suivez-nous :