La grande Valse des Rouillac
Jeudi 08 juin 2017
La Tribune de Tours, Philippe Hadef
L'équipe "Rouillac" autour de la Valse de Camille Claudel, la "licorne" de cette vente 2017.
Les déménageurs de Vendôme sont sollicités avec l'obligation de se montrer très prévenants envers l'ensemble des objets.
Les lots qui sortent de la caverne d'Ali Baba de Philippe et Aymeric Rouillac sont vérifiés, étiquetés et vérifiés encore.
Événement
La garden party organisée au château d’Artigny les 11 et 12 juin prochains mobilisera l’attention des collectionneurs d’art de toute la planète. Cette vente aux enchères d’exception va présenter 260 objets qui n’ont jamais été proposés à la vente. Une spécificité qui, depuis 1989, fait la renommée de ce rendez-vous initié par Philippe Rouillac. Et si chaque objet, par son histoire, peut susciter un grand intérêt, la vente de ce bronze, la « valse », encore inconnu jusque-là, signé Camille Claudel, pourrait créer une belle surprise notamment pour leurs propriétaires.
lle est la plus ancienne en France à faire encore résonner le marteau. Depuis 1989, Rouillac père et fils, donnent rendez-vous aux collectionneurs d’art du monde entier pour des enchères atypiques et toujours étonnantes. C’est Suzanne Sauvage de Brantes, la belle-sœur du Président Valéry Giscard d’Estaing qui avait permis de mettre sur pied la première édition. Celle qui fut journaliste mais aussi impresario de Frank Sinatra avait mis son impressionnant carnet d’adresses à la disposition des « Rouillac » pour un événement hors du commun : une vente aux enchères sous forme de garden party dans un château prestigieux, celui de Cheverny. « On avait dit, à l’époque, à mon père Philippe que cela ne fonctionnerait qu’une fois mais pas deux » se souvient Aymeric Rouillac. Une anecdote qui l’amuse encore à la veille de la vingt-neuvième édition de cette vente qui rivalise avec les grands noms que sont Sotheby’s et Chrystie’s.
Les 11 et 12 juin prochains, c’est au château d’Artigny (lieu d’accueil depuis 2015) qu’environ 150 à 200 acheteurs viendront découvrir les merveilles dénichées par Philippe et Aymeric Rouillac. Un lieu qui sera l’occasion d’une des soirées les plus mondaines de l’année en Touraine tout autant qu’une véritable vitrine de ce que le département a à offrir de meilleur.
« Cette vente, c’est l’excellence » explique Aymeric Rouillac qui fera son show avec pour principale ambition de donner vie aux objets, de leur rendre leur âme, pour attirer l’attention des acheteurs physiquement présents mais aussi ceux qui seront collés à leur téléphone ou derrière leur écran d’ordinateur pour le « live » proposé sur le site Internet de ces commissaires-priseurs.
Le premier micro-ordinateur était français !
Au total 260 objets qui balayent un large éventail d’époque : « le plus ancien que nous allons proposer est un bronze égyptien, un superbe chat qui date de 3500 avant J.C. Le plus récent est un micro-ordinateur, le premier réalisé au monde dont il n’existe que très peu d’exemplaires – cinq connus à ce jour dans le monde –. Il a été réalisé par une entreprise française en 1974 bien avant l’émergence de ceux qui ont été conçus en Amérique » ajoute Aymeric Rouillac qui, d’ailleurs, ne pensait pas qu’un jour il aurait, au cœur de cette vente très particulière, à mettre aux enchères un ordinateur. Une pièce qui met en avant l’excellence française. Une réussite d’hier comme un symbole. Celui de la France des créateurs d’idées qui, malheureusement, ensuite ne trouvent pas leur place sur le marché. Paradoxe, pour ce lot très particulier, des Américains ont déjà montré leur vif intérêt pour cette pièce de musée qui aurait pu devenir le premier modèle d’une pomme à la française.
Pour découvrir toutes ces pépites, Philippe et Aymeric Rouillac parcourent la planète. « Nous avons évidemment beaucoup de pièces venant du Val de Loire comme ce sceau de deuil d’Anne de Bretagne », mais ces commissaires-priseurs se considèrent plus comme des chasseurs de trésors. Le reliquaire des cheveux de la reine Marie-Antoinette pourrait être considéré comme tel. Ou cette série de gouaches de Lanvin. Plus étonnant encore, ce traîneau au dragon de 2,70 mètres de longueur ayant appartenu à la famille des marquis et prince de Mérode… Mais ce qui fait réellement la renommée de cette vente, c’est qu’aucun de ces objets, qu’ils soient prestigieux, massifs ou de petite taille, outre leur histoire parfois rocambolesque, n’a jamais été proposé à la vente. C’est un critère de choix pour que le duo Rouillac les couche sur le papier de leur catalogue, lequel est devenu au fil des ans, lui-même, un objet de collection.
À la recherche de la « licorne »
Il est évident que le succès de cette vente en Touraine facilite aujourd’hui le travail des commissaires-priseurs. C’est probablement cette renommée qui leur a permis, encore cette année, d’être choisis pour présenter à la vente ce qu’il convient d’appeler, dans le jargon des Rouillac, « une licorne ». « Chaque année on attend des surprises et notamment une « licorne ». Comprenez l’objet incroyable dont tout le monde rêve ». Il y a quatre ans il s’agissait d’un coffre ayant appartenu au Cardinal Mazarin. « Ce coffre, personne ne semblait y avoir porté attention avant que mon père ne le découvre et comprenne qu’il s’agissait là d’un objet hors normes », commence Aymeric Rouillac. Ce coffre du Cardinal Mazarin était en effet un meuble extraordinaire, fabriqué au Japon en 1640, et entièrement laqué. « Nous avons passé des mois à faire des recherches sur ce meuble, jusqu’à pouvoir en découvrir le nom du fabricant, celui du bateau qui lui a permis de faire le voyage… ». Et en 2013, cette enchère de 7,3 millions d’euros restera le record européen. En 2015 c’est un chronomégaphone ayant appartenu à Charles Proust qui fut adjugé pour 1,24 million d’euros, signant ainsi un record mondial pour un appareil de cinéma.
Cette année, c’est un bronze de Camille Claudel qui sera la « licorne » de cette vente. Un objet découvert dans un placard, pudiquement entouré d’un linge depuis une centaine d’année. « Après la mort de l’acquéreur, sa veuve, visiblement désireuse de cacher au regard d’autrui le fessier d’un danseur de cette valse, avait choisi de le soustraire à la vue de tous », explique Aymeric Rouillac. Et, dans cette maison de Champagne, cette découverte a fait le bonheur des actuels propriétaires. Le bronze était inconnu et il se trouvera au château d’Artigny, dès ce week-end, après avoir été exposé quelque temps au château de l’Islette, lieu de résidence de Rodin et de sa compagne Claudel. Sa mise à prix sera de 500 000 euros. Difficile en revanche de dire aujourd’hui quel sommet cette « valse » pourra atteindre. « Depuis 2015, ce type de bronze de Camille Claudel oscille entre 500 et 800 000 euros », ajoute Aymeric Rouillac. Mais compte tenu de son histoire… qui sait ?
« On avait dit, à l’époque, à mon père Philippe que cela ne fonctionnerait qu’une fois mais pas deux. »
Aymeric Rouillac
Dès ce vendredi, le château d’Artigny, totalement privatisé pour l’occasion, accueillera ses premiers visiteurs pour l’exposition des 260 pièces qui seront soumises à adjudication dans les deux jours qui suivent. Une entrée libre, comme l’ont souhaité, depuis les origines de ces ventes, la famille Rouillac. Ce sera d’ailleurs encore le cas dimanche et lundi, pour la vente. « Même si nous donnons une priorité aux acheteurs qui se sont fait connaître, tout le monde peut accéder à la vente même si nous ne pouvons pas pousser les murs du château ».
Quel sera le record à noter sur les tablettes de cette édition 2017 ? Il faudra patienter pour découvrir ce qui, au fil de la vente, de cette narration successive d’histoires insolites, aura attiré l’attention des acheteurs et suscité les plus grandes folies pour acquérir tel ou tel objet d’exception.