Rendez-vous à Paris
Samedi 12 octobre 2024 à 07h
Antoine, de Beauchêne, nous soumet une vue de Paris. L’occasion pour notre commissaire-priseur, Philippe Rouillac, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de ce trésor urbain, en cette semaine des Rendez-vous de l’histoire consacrés à la ville.

La cité blésoise est le point névralgique de tous les passionnés d’histoire depuis mardi. Cette manifestation créée avec le soutien de Jack Lang, alors Maire de Blois, sur une initiative de Francis Chevrier, accueille chaque année 30.000 visiteurs. Après avoir abordé des notions aussi variées que « La Religion et la politique » en 2005, « La guerre » en 2013 ou encore « La mer » en 2022, cette 27e édition est consacrée à « La ville ». Un vaste sujet qui tente d’éclairer les festivaliers « soucieux de mieux comprendre le monde ».
L’œuvre envoyée par notre lecteur s’inscrit parfaitement dans cette thématique. Cette vue de Paris nous place au-dessus de la Seine, sur le Pont neuf : le plus ancien de la capitale, malgré son nom ! À gauche, sur le quai Conti, nous observons l’hôtel de la Monnaie construit par Denis Antoine au XVIIIe siècle, plus loin l’Institut de France où se retrouvent les personnalités scientifiques, littéraires et artistiques françaises. À droite, la pointe de l’île de la Cité, avec son saule pleureur, dirige notre regard vers le pont des Arts et le palais du Louvre. Une véritable carte postale de la Ville Lumière qui sait séduire celui qui la regarde, avec ces détails pittoresques comme les péniches et les promeneurs.
Les arbres aux branches effeuillées situent la scène en fin d’automne, saison où la lumière s’abaisse. La technique employée par l’artiste renforce ce sentiment de déclin de la clarté du jour. En noir et blanc, il joue de contrastes et de hachures irrégulières pour suggérer les ombres et les lumières de Paris. Ce travail est caractéristique d’une gravure au burin. Utilisée depuis le milieu du XVe siècle par les artistes les plus célèbres, dont Rembrandt, le procédé consiste à creuser des traits plus ou moins profonds sur une plaque métallique. Celle-ci est encrée et pressée pour fournir l’œuvre finale sur papier. Il n’existe donc pas une seule gravure avec cette même composition, mais 150, comme le suggère la justification au crayon en bas à droite. L’œuvre d’Antoine en est le 51e exemplaire.
Juste à côté, nous observons la signature de l’artiste : Decaris. Auteur de 600 compositions gravées représentant des vues des pays de Méditerranée, de France et des sujets mythologiques, Albert Decaris excelle dans l’art figuratif de la gravure en France à partir des années 1930. En cette année de Jeux Olympiques à Paris, notons notamment sa gravure La Piscine, pour laquelle il gagne la médaille d’or au « concours d’art et littérature » des Jeux olympiques de Londres en 1948. Decaris est en ce sens le Léon Marchand ou le Teddy Riner de la gravure !
Les artistes sont les yeux de nos sociétés et de nos villes : c’est pourquoi les historiens s’appuient souvent sur leur travail pour confirmer ou infirmer leurs thèses. La gravure de notre lecteur est un merveilleux support, accessible à chacun. Elle peut être estimée entre 50 et 80 €, le prix d’un aller-retour à Paris pour vivre pleinement le rythme de la ville !
