Lot 165
BUREAU PLAT, double face, en bois de placage. Ceinture chantournée ouvrant à six tiroirs; bois de violette, marquetés de satiné. Pieds cambrés. Belle et riche ornementation de bronzes ciselés et dorés, figurant des masques de Bacchus; et en ornement des chutes d'angle de bustes de femme « espagnolettes ». Entrées de serrure en cartouche festonné à fleurettes et rinceaux feuillagés. Prises de poignées en guirlandes feuillagées et fleuries. Sabots feuillagés en griffes de lion. Plateau à ceinture de bronze à astragale cannelée et coquilles; garni de cuir.
Style Régence. Fin XIXe.
Haut. 80, Long. 174, Larg. 88,5 cm.
Provenance : collection de l'ancien consul général de France à Lausanne.
Copie du bureau plat, en placage d'amarante, bronzes aux espagnolettes, de l'ancienne collection Bensimon, passé dans la collection Jean Gismondi à Paris :
― estampillé CAREL, vers 1730, selon A. Pradère,
― attribué à Charles CRESSENT, selon P. Kjellberg.
De Cressent sont conservés de grands bureaux plats en bois de placage orné de bronzes dorés, chutes d'angle à espagnolettes: au Musée du Louvre (au XIXe ministère de la Guerre), au château de Versailles (bureau sur lequel fut signé le traité de paix de 1919), à la Wallace Collection de Londres, à la Résidence de Munich, au Waddesdon Manor, au Paul-Getty Museum de Malibu, à la National Gallery de Washington.
Marchand-ébéniste et sculpteur, établi rue Notre-Dame-des-Victoires, Charles Cressent (1685-1768) est certainement l'ébéniste le plus représentatif du style Régence, au point que tous les beaux meubles de cette époque lui ont été systématiquement attribués; négligeant ses contemporains moins célèbres parmi lesquels Jacques-Philippe Carel (maître en 1723 -actif entre 1724 et 1750). L'erreur est facile, Cressent n'ayant estampillé aucun meuble.
A l'origine d'une typologie de bureau qui a marqué de son sceau le style Régence, Cressent a eu de nombreux émules qui lui ont emprunté non seulement l'architecture rigoureuse des lignes et le contour rectiligne du plateau, héritiers de l'époque Louis XIV, mais surtout son décor de bronze à l'abri des excès du Rocaille.
Dès 1723, comme le prouve la saisie de ses modèles opérée alors par la corporation des fondeurs, il possède en magasin des motifs de bronze. Aussi, très vite, certains de ces motifs, les plus fréquents chez l'ébéniste, sont devenus les poncifs de son temps: guirlandes de fleurs, cartouches festonnés, figures et masques humains, griffes et bustes.
Comme les commodes bronzées au singe, les bureaux bronzés aux espagnolettes sont les ornements caractéristiques des meubles de Charles Cressent.
Le décor de bronze auquel Cressent, sculpteur de formation, attache beaucoup d'importance, se régénère par ses espagnolettes, même s'il garde encore des éléments louis-quatorziens comme les feuilles d'acanthe. Ces espagnolettes sont des bustes de femmes empruntés à la serrurerie des poignées de fenêtre; cette appellation est un hommage à l'infante d'Espagne Marie-Thérèse, épouse de Louis XIV.
Abondamment repris, ces bustes de femmes à coiffe de dentelles qui semblent sorties de l'univers de Watteau demeurent cependant, de par leur finesse d'exécution, incomparables; et se distinguent par le détail des bijoux portés, tels riches colliers et boucles d'oreilles.
Remarquons que Carel ne reprend pas les bijoux de Cressent sur ses espagnolettes.
Références : Alexandre Pradère, Les ébénistes français, de Louis XIV à la Révolution, Éd. « Société Nouvelle des Éditions du Chêne », 1989. Reproduction pleine page couleurs et détail du bureau modèle de Carel, p. 140.
Pierre Kjellberg, Le mobilier français du XVIIIe siècle, Les Éditions de l'amateur, 1989, p. 201 à 204.