Lot 409
René MAGRITTE (Lessines, 1898 - Schaerbeek, 1967),
anciennement présenté comme de
L'Origine du monde.
Toile.
Copie non datée mais antérieure à 1966 de l'Origine du monde par Gustave Courbet (1866).
Haut. 23, Larg. 30 cm.
Provenance : Joseph-Marie Lo Duca (1910-2004), puis collection privée.
Formerly presented as a by René MAGRITTE. "The Origin of the World". Canvas. Before 1966.
Exposition : "Cet Obscur objet de désirs, Autour de L'Origine du monde", musée Gustave Courbet, Ornans, 2014, n°1, reproduit p. 20.
Bibliographie :
- Gérard Zwang, "Le Sexe de la femme", 1967.
- Pierre Cabanne, "Psychologie de l'art érotique", 1971.
- Bradley Smith, "L'Art érotique des maîtres", 1978.
- Art Press, couverture du n°59, mai 1982.
Vidéo :
- Philippe Sollers et Jean-Paul Fargier, "Le Trou de la Vierge", 1982.
- Piero Lorenzoni, "L'Erotisme français, 1984.
- Thierry Savatier, "L'Origine du monde, histoire d'un tableau de Gustave Courbet", 2006-2015.
En 1967, fut publiée la première photographie en couleur de L'Origine du monde, célèbre toile de Gustave Courbet, dans l'essai très illustré du docteur Gérard Zwang, Le Sexe de la femme. Historiens et amateurs pensèrent, jusqu'en 1988 (1), qu'il s'agissait de la photo du tableau original. Or, à cette époque, celui-ci appartenait au psychanalyste Jacques Lacan, puis à ses ayants droit qui n'avaient jamais accepté de l'exposer ni d'en faire circuler des reproductions. En réalité, la photographie de 1967 représentait le tableau de Courbet ici proposé ; elle provenait de Joseph Marie Lo Duca, fondateur des Cahiers du cinéma et spécialiste de l'art érotique, qui avait réuni une partie de l'iconographie du Sexe de la femme. Ce dernier l'avait obtenue du photographe américain Bradley Smith (1910-1997), fondateur de l'American Society of Magazine Photographers et historien de l'art érotique, qui lui avait confié que la toile circulait «sous le manteau» depuis plusieurs années. Selon Lo Duca dont le témoignage fut rapporté par Gérard Zwang (2) cette copie de Courbet aurait été réalisée par René Magritte. Elle lui aurait été présentée comme telle par l'artiste-peintre Jane Graverol (1905-1984), membre du groupe surréaliste belge et amie de Magritte depuis la fin des années 1940, lorsqu'ils devinrent proches, en 1967, et qu'il commença à écrire sur son uvre (3).
S'agissant du présent tableau (et dans l'hypothèse où Magritte en aurait été l'auteur), nous ne pouvons en aucun cas évoquer l'éventualité d'un «faux», en dépit de ce qui fut parfois avancé, qui s'appuyait sur les assertions que Marcel Mariën publia dans son livre de souvenirs Le Radeau de la mémoire (4) concernant des faux que l'artiste aurait réalisés pour des raisons alimentaires pendant la Seconde guerre mondiale. En effet, la facture ne rappelle en rien celle de Courbet, ce qui exclut toute tentative de supercherie. Par ailleurs, sa taille est nettement inférieure à celles de l'original.Il s'agit donc d'une copie, d'un exercice de style que l'on peut rapprocher de l'un des fragments de L'Evidence éternelle, notamment dans sa version de 1948, dont les dimensions se révèlent assez proches.
Les importantes variantes chromatiques suggèrent que cette toile fut peinte, non devant celle de Courbet qui fut conservée à Budapest dans la collection du baron Ferenc Hatvany de 1913 à 1947, mais à partir d'une reproduction en noir et blanc. La première fut publiée au début des années 1930 dans l'ouvrage d'Eduard Fuchs Die Grossen Meister der Erotik . D'autres photographies, provenant du baron Hatvany, figuraient dans les archives des spécialistes du maître-peintre d'Ornans Charles Léger et Robert Fernier, ainsi que dans celles des écrivains Paul Auriant et Paul Léautaud.
Lo Duca fit l'acquisition de l'uvre entre 1968 et 1974 (année où sa fille étant enfant témoigne l'avoir vue), probablement auprès de Jane Graverol à laquelle il acheta également quelques tableaux personnels - ce que pourrait suggérer une inscription portée sur une étiquette collée au dos de la toile. Il s'en sépara au début des années 2000. L'uvre était conservée dans le bureau du collectionneur qui était grand fumeur, ce qui explique la mince couche de nicotine qui dut se déposer sur sa surface.
Thierry SAVATIER
Historien de l'art, chercheur-auteur, spécialiste de l'Origine du monde.
(1) Date de la première apparition publique de la toile de Courbet, dans le cadre de l'exposition Courbet reconsidered, au musée de Brooklyn, alors qu'elle était la propriété de Sylvia Bataille, veuve de Jacques Lacan.
(2) Gérard Zwang, Eloge du con, La Musardine, 2013 (p. 75 de l'édition numérique).
(3) Voir notamment Lo Duca, «Jane Graverol, l'onirisme belge» in revue Plexus n°10, 1967 et la préface qu'il rédigea pour l'exposition de l'artiste «40 ans de peinture» à la galerie lsy Brachot (1968).
(4) Marcel Mariën, Le Radeau de la mémoire, E
Adjugé : 8 000 €