“Il n’y a jamais eu de bonne guerre
ni de mauvaise paix.”
BenjaminFranklin
Origine et destinée des « Rochambeau papers »
Après avoir vendu le portrait offert par George Washington à Rochambeau (5,2 M€, 2002) et les gouaches de Van Blarenberghe offertes par Louis XVI à ce même général (1,2 M€, 2003), nous présentons aux enchères les derniers plans manuscrits et cartes imprimées aliénables encore entre les mains des descendants de Jean-Baptiste Donatien de Vimeur de Rochambeau (1780-1782).
Charles Willson Peale, Portrait de Georges Washington, 1782, Vente Rouillac, 9 juin 2002, 5.200.000 €
Ainsi sont présentés 6 rares plans et deux cartes des opérations militaires terrestres de la guerre d’Indépendance américaine. Il s’agit très probablement des derniers documents en mains privées de cette guerre révolutionnaire qui donna naissance aux États-Unis d’Amérique. Les accompagnent de superbes cartes des colonies françaises des Caraïbes durant la Révolution française.
Cet ensemble de documents manuscrits et imprimés provient du fonds d’archives qui a été soigneusement conservé pendant près d’un siècle dans le château familial du Vendômois par la descendance de Rochambeau, commandant en chef du corps expéditionnaire français en Amérique et héros de la bataille de Yorktown. Dès la fin du XVIIIe siècle, les plans militaires étaient en effet recopiés au propre pour être envoyé au roi et à ses ministres. Ces exemplaires sont aujourd’hui conservés par les archives de France et ont été inventoriés avant 1928 par Louis Charles Karpinski (1878-1956), professeur de mathématiques à l’université du Michigan et expert en cartographie, toutes les cartes manuscrites relatives à l’histoire des Etats-Unis entre 1500 et 1799 conservées France, en Espagne et au Portugal. Les exemplaires conservés par Rochambeau et ses descendants sont donc les doubles – annotés dès l’origine comme tels- réservés à un usage personnel. Ils ont été archivés par Eugène Achille Lacroix de Rochambeau (1836-1897) suivant les mêmes cotes IK que l’on retrouve sur les documents détenus par les Institutions américaines.
À partir de la fin du XIXe siècle, ce fonds familial subit plusieurs dispersions. La première est faite au profit du Congrès américain par la vente en 1883 de 1 800 documents d’archives, centans après la fin de la guerre d’Indépendance des États-Unis. La Library of Congres (L.o.C.) conserve ainsi 40 plans manuscrits, 28 cartes imprimées et un atlas réunissant 54 relevés des camps de l’armée française lors de la marchevers Yorktown. La seconde dispersion se déroule en 1952, avec la vente au libraire new-yorkais H.P. Krauss d’un fonds d’archives ensuite revendu en 1958 au philanthrope américain Paul Mellon qui en a fait don à l’Université de Yale en 1992. Le fonds cartographique de la Beinecke Rare Book and Manuscript Library à Yale conserve à ce titre 7 boîtes de cartes imprimées, notamment par Le Rouge, et un atlas semblable à celui conservé par la L.o.C. de 34 relevés manuscrits réalisés par Louis-Alexandre et Charles-Louis Berthier. De manière marginale, The College of William & Mary en Virginie conserve quelque lettres de Rochambeau et des photographies de plans (probablement ceux maintenant conservés à Yale) offert en 1932 par Warrington Dawson, attaché à l’ambassade américaine en France, et Col. Clarence Hodson. Enfin, la Library of University of Florida a pu acquérir lors d’une vente anonyme à Londres en 1958 le corps d’archives du vicomte de Rochambeau, fils du Maréchal, concernant son action dans les colonies françaises à l’époque Révolutionnaire. Ces achats ont ensuite été complétés chez des libraires spécialisés à Madrid, New-York et Porto Rico.
Suite à un partage de famille en 1947, maints objets, meubles, souvenirs et cartes de Rochambeau quittèrent le château familial en Vendômois, où mourût le Maréchal en 1807. Nous avons découvert fortuitement en 2007, dans le grenier d’une propriété du Berry - appartenant à des descendants indirects de Rochambeau - le reste des papiers Rochambeau non encore dispersés. Présentés une première fois aux enchères dans un fonds plus important, lors d’une vente au château de Cheverny en juin 2008. Le Ministère de la Défense français a alors revendiqué 66 lots considérés comme « archives publiques », afin de les conserver au Service historique de la Défense au château de Vincennes.
Des dissensions familiales finalement résolues par un accord homologué en justice ont conduit à réunir dans un fonds de famille inaliénable tous les autres documents présentés en 2008, à l’exception notable de ceux que nous présentons ici.
La quasi-totalité des archives ayant appartenu au maréchal de Rochambeau et à sa descendance demeure donc dans des fonds inaliénables, que ce soit dans le domaine public en France (Archives nationales de France, Service historique de la Défense, Archives départementales de Loir-et-Cher) ou aux États-Unis (Library of Congres à Washington, Beinecke Library à l’université de Yale, University of Florida), ou dans le domaine privé via ce fonds de famille.
Par conséquent, ce sont les tous derniers papiers Rochambeau, encore en mains privées et aliénables - conservés par ses descendants - qui sont proposés lors de la présente vente aux enchères publiques et décrits ci-après. Ces documents évoquent la carrière militaire du comte de Rochambeau, maréchal de France, incluant notamment 6 plans manuscrits exceptionnels et la première carte imprimée de la guerre d’Indépendance des États-Unis d’Amérique.
De cette ultime partie du fonds Rochambeau, le Ministre de la Défense a assuré qu’il « ne s’opposera pasà l’exportation des documents qu’il n’a pas revendiqué, et s’est engagé à ne pas acheter d’autres documents lors de cette vente, ni à faire usage de son droit de préemption ». Ils sont donc munis d’un certificat de sortie du territoire français délivré en 2016.
Parallèlement, de rares souvenirs intimes du comte de Rochambeau sont présentés, tels la bergère dans laquelle il mourut, son bureau cylindre, sa table de jeu, et sa chaise d’aisance. L'exemplaire personnel de ses Mémoires militaires annoté par son fils Donatien-Marie Joseph est également présenté. Des cartes et plans liés à l’action de ce dernier dans les colonies lors de la Révolution française sont aussi présentés à la vente.
D’autres familles de France nous ont également confié d’importants souvenirs historiques relatifs à la guerre d’Indépendance des États-Unis d’Amérique. Il s’agit en particulier d’une rarissime médaille en argent dite Libertas Americana offerte par Benjamin Franklin, et du portrait original présenté au salon de 1781 figurant Charles Gravier de Vergennes, Secrétaire d’État français des affaires étrangères, qui signa le premier traité d’alliance franco-américain en 1778.