7ème VENTE GARDEN PARTY A CHEVERNY
Lot 499
COLLECTION FELD
Au lendemain de la guerre, Charles Feld, âgé de vingt-six ans, est devenu le collaborateur de Louis Aragon. Il a ainsi participé à ses côtés aux œuvres de la Bibliothèque française qui a notamment édité en 1947 Les Fleurs du mal illustrées par Matisse et en 1949 la Carmen illustrée par Picasso.
En 1950 Charles Feld a décidé de créer sa propre maison d'édition, les Editions du Cercle d'Art, qu'il dirigea jusqu'à la fin des années soixante-dix.
Conscient qu'en France l'édition du livre d'art était un domaine jusqu'alors resté relativement en friche, et en réaction à un discours historiographique qu'il jugeait trop conformiste ou trop universitaire, Charles Feld a eu à cœur de faire des livres des œuvres vivantes.
Œuvres vivantes parce que ses livres ont été consacrés à des combats politiques, à des débats qui animaient les mentalités de son époque tout autant qu'à des thèmes plus intimistes.
Œuvres vivantes parce qu'il s'est autant agi de faire connaître les multiples facettes de peintres d'hier que de faire découvrir des artistes aujourd'hui de renom, comme Calder, Viera da Silva, Tapiès, Hartung, Zao Wou Ki ou Wilfredo Lam, pour ne citer qu'eux.
Œuvres vivantes enfin, parce que chaque livre a été une œuvre collective qui a associé l'éditeur et des artistes de disciplines différentes à la réalisation d'une idée. Ainsi Doisneau et Elsa Triolet ont dit leur vision partagée de Paris (Pour que Paris, oct. 1956). Ainsi Eluard et Picasso ont dit leur amour de la paix (Le Visage de la paix, oct. 1951). Ainsi Aragon et Picasso ont abordé Shakespeare (Shakespeare, 1965).
Associer un ou plusieurs auteurs à un ou plusieurs peintres, révéler leurs sentiments, illustrer leurs interrogations, déceler leurs espoirs ou affirmer leurs certitudes, et par là aller plus loin encore dans la connaissance du cœur des artistes et du sens de leurs œuvres, telle a été l'une des exigences de Charles Feld.
Ses auteurs ont été des hommes aussi divers de pensée ou de sensibilité qu'Elsa Triolet, Max-Pol Fouchet, René Char, Michel Leiris, Henri Michaux, Maurice Druon, Vercors. Sans oublier ceux avec qui il a entretenu les liens les plus privilégiés: Aragon, Paul Eluard, Claude Roy,]ean Marcenac et Hélène Parmelin.
Parmi les artistes qui ont prêté leurs concours aux Editions du Cercle d'Art, deux noms s'imposent, deux amitiés se font jour : Picasso et Pignon.
Grâce à Aragon, Charles Feld a fait la connaissance de Picasso. Il résultera de cette rencontre non seulement vingt années de travail, illustrées par presque vingt livres, mais aussi une amitié.
Cette amitié, plus que le rêve commun ― cet extraordinaire rêve collectif que le Parti communiste a illustré et auquel ont participé les plus grands intellectuels de l'après-guerre ―, c'est une connivence de l'artiste et de l'intellectuel à créer une œuvre d'art et le sentiment du peintre, parfois si méditerranéen, à reconnaître l'élégance de celui qu'il a caractérisé par ces mots: « Tu as un corps de torero» qui l'ont animée.
Par ses livres, Charles Feld dira son indéfectible admiration pour Picasso. Par ses années de travail en commun et l'accueil qu'il lui a réservé, Picasso révélera, outre son estime pour l'éditeur, son affection pour l'ami.
Au premier livre La Guerre et la Paix (1954) succéderont Les cahiers de la Californie (1955) dont l'esprit et la réalisation veulent que ce livre jusqu'en sa couverture soit le carnet même des dessins, et Les Ménines de la vie (1958) dont l'objet est la réflexion de Picasso sur l'œuvre de Vélasquez.
Les années soixante seront fécondes. Une dizaine de livres seront consacrés à Picasso. Que ce soient les œuvres d'Hélène Parmelin : Les Dames de Mougins (1964), Le Peintre et son modèle (1965), Notre Dame de Vie (1966). Que ce soient les livres de Douglas Cooper: Les Déjeuners (1962), Picasso et le théâtre (1967). Que ce soient le livre d'Aragon consacré à Shakespeare : Shakespeare (1965), le livre de Luis Miguel Dominguin : Taros et Toreros ou le livre de Charles Feld consacré aux dessins de Picasso : Dessins 27.3.66-15.3.68 (1969).
Et les années soixante-dix continuèrent sur cette lignée jusqu'après la mort du maître, période consacrée à des œuvres de réflexion sur Picasso.
Tous ces livres concourent à une même fin et constituent comme un monument unique à la diversité du génie de Picasso, comme une prouesse d'édition par la qualité des ouvrages.
Ils illustrent un rare exemple de collaboration, que l'on ne saurait dissocier des liens d'amitié qui se sont tissés entre Picasso, Jacqueline Picasso, Charles Feld et sa compagne Jacqueline Aubéry du Boulley devenue Jacqueline Feld. La Jacqueline à Feld des dessins de Picasso, celle qui toujours aux côtés de l'éditeur a su entretenir avec le peintre des rapports d'amitié.
Et s'il est parfois douloureux de voir tant de souvenirs être dispersés, il est doux à M. et intellectuelle et humaine de l'après-guerre iront à ceux qui sauront la comprendre et la partager.
Michel Lévy.
Remarques :
Etat de conservation superbe, de première main. Vente en l'état. Pièces encadrées par M. et Mme Feld.
Chaque numéro présenté portera le cachet spécifique de cette vente : COLLECTION FELD -VENTE CHEVERNY -1995.
Remerciements au grand collectionneur Roger Passeron pour ses précisions, et à Michel Bizet (tél. 54 80 00 84) pour son assistance quant aux descriptions.