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UN CONTEMPLATIF À LOGUIVY

Mercredi 27 juillet 2016

La Presse d'Armor, Magali Lelchat

Henri Rivière. Un contemplatif à Loguivy
Il faut se rendre sans tarder à la chapelle Sant Ivy pour contempler les oeuvres d’Henri Rivière, collecteur des couleurs loguiviennes influencé par l’impressionnisme et l’art japonais.


Embouchure du Trieux, lithographie.


« Henri Rivière est l’artiste de Loguivy sans aucune concurrence possible dans le temps même si sa notoriété dépasse celle de Loguivy ». C’est une chance que cette exposition à la chapelle Sant-Ivy de Loguivy, 17 oeuvres d’Henri Rivière, issues de collection personnelles, rassemblées par Bernard Allain-Dupré.

Lande Iris
C’est une chance supplémentaire que de la visiter avec Philippe Rouillac, commissaire-priseur bréhatin à l’occasion ; si passionné qu’il donne l’impression d’avoir côtoyé Henri Rivière, partagé sa course aux couleurs dans la lande loguivienne et le modeste intérieur de sa demeure de Lande Iris. Ne raconte-t-il pas que lors de leurs séjours estivaux, les époux Rivière « louaient un lit en fer à Paimpol » ? Pourtant, Henri Rivière a fréquenté le petit port il y a bien longtemps, de 1890 à 1913. Et c’est en 1895, que l’artiste, dont l’atelier est à Paris, décide d’acheter un bout de Lande. Il le baptisera Lande Iris, la fleur symbole de sa signature. Il y passera tous les étés jusqu’en 1913, jusqu’à épuiser la palette de chaque instant de la journée. « Il était accompagné d’un vieux loup de mer, un baroudeur qui gardait la maison l’hiver et qui lui montrait tous les coins de Loguivy ». Hommes et femmes au travail dans les champs, sur l’estran, enfants jouant dans les rochers… Il les croquera tous.

Observateur attentif
Si proche dans le temps du roman réaliste, il aura la même démarche sincère, sans folklorisme. « Rivière est très respectueux des personnes, il n’idéalise pas la Bretagne, il ne la violente pas, les gens sont saisis dans leurs gestes naturels, c’est un attentif observateur de la vie loguivienne » souligne Philippe Rouillac. C’est aussi un contemplatif qui a su saisir les variations de la lumière suivant les heures de la journée, jusqu’à la toute tombée de la nuit. La douceur poudrée de l’estuaire un soir d’été. Un endroit, une lumière, une saison. Chaque oeuvre décline les subtilités chromatiques de la ronde des heures dans la nature. C’est d’ailleurs à Loguivy qu’il fabriquait ses couleurs avant de les ramener à Paris pour finaliser le tableau. Paris qui sera sa deuxième source d’inspiration avec la Bretagne.

Impressionnisme et japonisme
« Il a aussi subi l’héritage des impressionnistes en créant face au paysage et non en atelier ». Et Philippe Rouillac veut voir un hommage dans ces meules de foin souvent représentées, parfois dans des lieux improbables. Quant à ses pins maritimes, leurs silhouettes sont à la fois familières et exotiques, comme un écho à cet art japonais qui vient de s’ouvrir à l’Occident, et qui le fascine comme d’autres, à la fois dans les représentations et dans les techniques. Même le sceau de sa signature en témoigne.

Pas d’école
Cette double influence et toutes les couleurs récoltées l’été à Loguivy ont créé ce style à part. Contrairement à celui de Gauguin, dont le parcours en Bretagne est parallèle, il ne fera pas école. Le marché de l’art ne s’emballe pas pour les oeuvres d’Henri Rivière, pas de folle cote. Les oeuvres se vendent de 200 à 1000 euros. C’est ainsi qu’il l’a voulu. Les techniques mêmes qu’il a employées, la gravure à l’eau-forte et surtout la lithographie et la gravure sur bois, en permettant parfois des éditions à 2000 exemplaires, n’ont pas rendu son oeuvre assez rare pour qu’elle affole les collectionneurs.

Au plus grand nombre
« Il a voulu faire connaître la Bretagne au plus grand nombre, il voulait donner à ces oeuvres un rôle socioéducatif, que ses épreuves puissent être accrochées dans les salles de classes de l’école de la République ». C’est peut-être ce qui rend son oeuvre inexplicablement familière, encore aujourd’hui. Rivière est resté « un tâcheron » explique Philippe Rouillac avec affection. Un tâcheron qui, rentré, dans son atelier parisien, faisait lui même ses tirages à partir de ses croquis d’été. Il appliquait parfois jusqu’à cinquante planches de couleurs pour achever un tableau, une nuance par planche. Un travail de précision qu’il parfaitement maîtrisé.

17 oeuvres
L’exposition de Loguivy présente 17 oeuvres de l’artiste dont une eau-forte et une huile de jeunesse, mais surtout des lithographies et bois gravés où l’on retrouve parfois les pins de l’estuaire. Ces arbres familiers et emblématiques dont l’artiste disait qu’ils avaient « la rectitude des planches de cercueil et la souplesse du bois des berceaux ».

Magali Lelchat
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