Les écureuils art-déco de Max
Samedi 02 avril 2011
Un lecteur de Thoré-la-Rochette a soumis la photo de deux petites statues d'écureuils à Philippe Rouillac, commissaire-priseur. Il nous donne son avis.
Ces deux amusants écureuils grignotant une noisette,appartenant à un lecteur de Thoré-la-Rochette, sont des serre-livres.
Dans une bibliothèque ou sur un bureau, ils permettent de ranger plusieurs ouvrages et de les maintenir verticalement, comme le montre la photographie. Ce type d'objet connaît un grand essor dans les années 1920-1930. Cette époque est celle dite, dans l'histoire des styles, de l'Art Déco. Après l'Art Nouveau,apparu autour de 1900, et ses lignes courbes d'inspiration végétale, les créateurs se tournent vers des formes plus angulaires, sous l'influence notamment de la peinture « cubiste » de Braque et Picasso. Il n'est donc pas surprenant que nombre de serre-livres adoptent ce nouveau style. L'objet que nous découvrons aujourd'hui en est un exemple intéressant : les deux écureuils ne sont pas traités de façon naturaliste, mais par angles et facettes ; la ligne est géométrisée. Ils sont réalisés à partir d'un métal à patine verte, peut-être du bronze, et sont fixés sur un socle de marbre noir.Ces matériaux de qualité ont une grande densité. Il faut, en effet, qu'ils soient suffisamment lourds pour retenir les livres sans glisser. Leur propriétaire nous indique ainsi qu'ils pèsent 1,4 kg chacun, pour une hauteur de 16 cm. Ils sont signés sur la terrasse du sculpteur Max Le Verrier. Celui-ci est né en1891 à Neuilly-sur-Seine. Il se passionne très tôt pour le dessin et la sculpture et souhaite en faire son métier, contre l'avis de son père. Durant la Première Guerre mondiale, il est pilote, et son avion est abattu par les troupes allemandes. Rescapé, il est maintenu prisonnier. Étant officier, il adroit à un traitement de faveur et peut occuper son temps à la sculpture.
Revenu à Paris en 1918, il crée son entreprise et réalise de nombreux modèles, notamment animaliers : des panthères, des chimpanzés, des pélicans, des chats... et des écureuils. Pour cela, Max Le Verrier se rend fréquemment au Jardin des Plantes ou au cirque Bouglione. L'image de la femme le fascine également. À la grande époque du charleston et de Joséphine Baker, il réalise des sculptures de danseuses aux coiffures « à la garçonne ».
Aujourd'hui, l'atelier existe toujours, géré par l'arrière-petit-fils de Max Le Verrier, au Kremlin-Bicêtre, près de Paris. Les modèles ont été conservés et il est donc possible de commander une sculpture éditée en bronze, à l'identique des modèles produits dans les années 1930. Il est donc difficile de dater nos deux petits écureuils, surtout d'après photographie... S'agit-il d'une fonte réalisée du vivant de Max Le Verrier, ou postérieurement ? En fonction de cela, la valeur peut varier considérablement. Ces objets amusants et de qualité pourraient néanmoins trouver preneur en vente publique autour de 200 €. De quoi faire une bonne réserve de noisettes...