La collection du comte de Reiset
Dimanche 11 juin 2017 à 14h30
Un homme des Arts exemplaire et salué par ses pairs.
Bremond Lucie, Le Comte de Reiset, ministre plénipotentiaire de France, Mi-corps, face, 1894
lot 55 - colonnes salomoniques
lot 56 - Vierge de Michel Lourdel
lot 57 - Vierge aux raisins
lot 104 - Piano de Marie-Antoinette
lot1 106 - Cheveux de la Reine
LA COLLECTION DU COMTE DE REISET
(1821, Mont-Saint-Aignan - 1905, Marcilly-sur-Eure)
Diplomate dès l'âge de 20 ans, ambassadeur extraordinaire, ministre plénipotentiaire, Gustave de Reiset fut un homme politique accompli et reconnu (1). Sa passion de l'histoire de France, sa plume circonstanciée, son sens de la conservation du patrimoine et son œil averti pour les beaux objets, firent de lui un homme des Arts tout aussi exemplaire et salué par ses pairs.
Natif de Normandie, c'est dans l'Eure, à Marcilly, que ce conseiller des grands dirigeants européens décide d'installer ses quartiers qu'il retrouve entre deux missions à l'étranger. Ainsi, il rachète en 1842 l'ancienne abbaye cistercienne de Breuil-Benoît alors dans un état de délabrement avancé. Dès 1857, il la restaure selon l'esprit de " l'archéologie médiévale " que l'on reconnaît aux hommes de lettres de la seconde moitié du XIXe siècle (2). Avant de rendre l'église au culte et d'y instaurer un pèlerinage annuel voué à saint Eutrope dont il possédait les reliques, il fait reconstruire la nef en la fermant d'un mur formant un chevet droit à la hauteur des transepts. Face à l'impossibilité de rebâtir également le chœur, il préserve cette partie dans un état de ruine, en accord avec la mode romantique. Il agrémente ce lieu de sculptures médiévales, la plupart fragmentaires, selon une scénographie réfléchie.
Dès les années 1860 des coupures de presse et des rapports d'expositions locales rapportent la présence d'œuvres de toute typologies, périodes et matériaux, prêtées généreusement pour ces occasions par le comte : "C'est dans cette partie de la salle que se trouvent rassemblés les joyaux détachés du riche musée que M. le comte de Reiset a formé dans l'ancienne abbaye du Breuil-Benoît, à quelques lieues d'Évreux : triptyques, ivoires, émaux de grands prix, tableaux de vieux maîtres, manuscrits splendides". Est-ce influencé par son frère aîné, Frédéric de Reiset (1815-1891), le célèbre collectionneur et historien d'art nommé conservateur des dessins et chalcographie du musée du Louvre en 1850, puis directeur général des musées nationaux en 1874, que Gustave se met à collecter frénétiquement des œuvres (3) ?
Ce grand admirateur de Marie-Antoinette (4) rassemble rapidement suffisamment d'archives et d'objets précieux pour même aménager " un musée local " ouvert au public, présentant sur les murs et dans des vitrines spécialement aménagées une grande variété d'œuvres. Les critiques indiquent que "ses archives sont un trésor aussi précieux que les admirables collections qui font de son château du Breuil une résidence incomparable". À son décès en 1905, puis celui de son épouse dans les années 1920, une partie de la collection est dispersée en ventes publiques, tandis qu'une autre reste immuablement conservée dans les lieux par ses descendants jusqu'à un changement de propriété dans les années 1990.
Les œuvres présentées dans cette vente sont les rares témoins encore visibles de l'entreprise personnelle d'un haut personnage engagé dans les instances, tant politiques qu'artistiques les plus importantes de la seconde moitié du XIXe. Ces pièces de la collection du "musée de Breuil-Benoît" appartiennent également à une étape exceptionnelle de l'histoire d'un haut lieu du patrimoine normand.
Découvrez les pièces provenant de la collection du comte de Reiset en vente à Artigny :
- N° 55 : Ensemble de quatre COLONNES salomoniques de l'entourage de Michel Lourdel (1577 - 1676), milieu du XVIIe.
- N° 56 : Vierge à l'Enfant attribuée à Michel LOURDEL (1577 - 1676), première moitié du XVIIe.
- N° 57 : Vierge à l'Enfant dite "aux raisin", école champenoise, premier tiers du XVIe et restitutions du XIXe.
- N°104 : Piano-forte par Érard Frères, 1788. Le 13e piano-forte de Marie-Antoinette ?
- N°105 : Reliquaire des cheveux de la reine Marie-Antoinette.
Littérature en rapport
- Annuaire des cinq départements de la Normandie, Association normande, 1865, p.532
- Marquis de Fayolle, "Le Breuil Benoit et les collections du comte de Reiset, ancien ministre plénipotentiaire", in Extraits des comptes rendus du congrès tenu à Evreux en 1889 par la société française d'archéologie, Bulletin monumental, 1890.
- Abbé J. Fossey, "L'abbaye de Breuil-Benoît", in La Normandie monumentale et pittoresque, vol. 3 : Eure, Le Havre, Lemâle éd., 1896, héliogravure, coll. Pôle image Haute Normandie de Rouen, pp. 99-102,
- Paul Robert, "Église du Breuil-Benoît - Ruine du chœur", in La Normandie monumentale et pittoresque, vol. 3 : Eure, Le Havre, Lemâle éd., 1896, héliogravure, coll. Pôle image Haute Normandie de Rouen, pl. n°19
- Visite à l'abbaye de Breuil-Benoît au diocèse d'Évreux, Marcilly sur Eure, 30 mai 1898, École libre Saint-François de Sales, Évreux
- Henry Lehr, Excursion au Breuil -Benoist, 27 octobre 1897, Société archéologique d'Eure-et-Loir Chartres, 1898
- M le vicomte de Reiset, Notice sur M. le Comte de Reiset, Société libre d'agriculture, sciences , arts et belles-lettres, de l'Eure, Évreux, 1906,
- Collection de feu le Comte de Reiset, Objets d'art et d'ameublement principalement du XVIIIe siècle. Tapisseries, tableaux anciens, aquarelles, dessins, gouaches, pastels, Vente à Paris, Hôtel Drouot, les 30 janvier et 1er février 1922, Lair-Dubreuil, 1922.
(1) Sa carrière diplomatique est racontée dans son ouvrage en 3 volumes : Mes Souvenirs, Paris, Plon, 1901-1903
(2) Cette méthode de restauration ne correspond plus aux politiques et usages actuels
(3) voir la notice de Laure Starcky sur https://www.inha.fr/ressources/publications/publications-numeriques/dictionnaire-critique-des-historiens-de-l-art/reiset-frederic.html
(4) Il publie un ouvrage sur la reine illustré en grande partie avec l'aide de sa collection : Modes et usages au temps de Marie-Antoinette. Le journal de Madame Eloffe, marchande de modes, couturière lingère ordinaire de la reine et des dames de sa cour, Paris, Firmin-Didot, 1885.