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Paire de lions stylophores

Dimanche 16 juin 2019 à 14h

Rare paire de lions stylophores en marbre d’Italie du Nord d’époque Romano-gothique

PAIRE de LIONS en marbre ocre.

Les félins en position dominante et majestueuse attestant d'une force tranquille, avec le corps osseux et les côtes visibles, présentent le dos plat réservant une base circulaire prête à recevoir une colonne. Les gueules à demi-ouvertes, découvrent de redoutables canines ; les narines sont dilatées et les yeux exorbités. La crinière sculptée comme une véritable chevelure de boucles régulières et évidées tombe derrière le crâne des lions jusqu'à l'amorce de la colonne ; ils sont désignés comme stylophores. Ils reposent sur deux pattes antérieures non jointes aux griffes acérées et sur deux pattes postérieures repliées aux articulations saillantes. Les têtes légèrement tournées, l'une vers l'autre, se répondent.La queue enroulée telle une volute se termine en nœud finement sculpté pour le premier, elle remonte entre les pattes postérieures pour le second. Sur une base parallélépipédique à faces rectangulaires réservée dans le même bloc.

Italie Septentrionale, XIIe-XIIIe.

Haut. 65, Long. 137, Larg. 46 cm.
Haut. 71,5, Long 131,5, Larg. 48 cm.
(accidents)

Provenance :
- Vente à Cheverny, Me Rouillac, 21 juin 1992, n°469 ;
- Château de Sologne.

Bibliographie :
Marcello Angheben, « Les animaux stylophores des églises romanes apuliennes. Étude iconographique », Arte Medievale 1, 2002, p. 97-117.

« Les lions stylophores en Italie au XIIe siècle », par Jacques Farran

Élément constitutif du prothyron, petit édicule en pierre construit devant l'entrée principale d'une église, le lion stylophore, c'est-à-dire le lion porteur de colonne s'impose en Italie dès le XIe siècle. Le fauve n'est pas le seul animal à occuper cette fonction : on connaît des bœufs, éléphants ou griffons stylophores, mais il demeure l'animal le plus représenté. Si sa fonction reste a priori principalement apotropaïque, cette iconographie est peut-être à comprendre dans le spectre des colonnes de bronzes fondues et ornées de lions et de bœufs, placées par Salomon devant le Temple de Jérusalem. La colonne romane symboliserait alors les piliers de l'Église et le Temple de la Nouvelle Alliance. Aussi, les évêques nouvellement détenteurs d'un pouvoir spirituel et temporel depuis la réforme grégorienne, rendaient la justice devant ces porches. Le lion, symbole des hauts dignitaires ecclésiastiques, aurait ainsi une signification plus politique. La justice « inter leones », ferait, pour sa part, écho à la justice de Salomon, sous le portique de son palais.

La recherche historiographique n'étant pas en mesure de trancher quant à l'interprétation exacte de cet élément architectural - force de la maison de Dieu ou incarnation du mal écrasé par la puissante Église - il faut considérer les différentes théories dans leur ensemble. Enfin, on pourrait citer la formule poétique de l'historien Michel Pastoureau
qui voit dans le lion assoupi les yeux ouverts : « Le Christ dans son tombeau : sa forme humaine dort, mais sa nature divine veille ».

Le sculpteur Wiligelmo est parmi les seuls sculpteurs romans attestés. Exerçant son art en Émilie-Romagne, il est l'auteur de nombreuses sculptures sur la façade de la cathédrale de Modène. Son école, comme celle de Lombardie, forme des ateliers itinérants. Ces ateliers aujourd'hui méconnus ont permis la diffusion d'un art statuaire qui suit des variations autour du lion stylophore de l'Apulie jusque dans les Hautes-Alpes, en pierre locale.

Notre paire de lions doit être étudiée au regard d'un corpus réduit d’œuvres comparables. Certains ont pu accompagner des autels, des baptistères ou encore des entrées palatiales - les nôtres ornaient plus probablement un portique d'église. S'il ne
nous a pas été possible de les attribuer catégoriquement à un édifice, leurs caractéristiques stylistiques les imposent comme un nouvel exemple significatif de cet art.

Références pour des exemples des lions stylophores de la même époque :
Émilie-Romagne : Cathédrale Saint-Georges de Ferrare, Cathédrale de Modène, Cathédrale de Parme, Cathédrale de Plaisance, Cathédrale du San Donnino de Fidenza ;
Lombardie : Basilique Santa Maria Maggiore de Bergame, Dome de Crémone ;
Vénétie : Basilique San Zeno de Vérone ;
Toscane : Baptistère de Pise, Collégiale de San Quirico d’Orcia ;
Marches : Cathédrale Saint-Cyriaque d’Ancône ;
Ombrie : Cathédrale Saint-Félicien de Foligno ;
École Lombarde des Hautes-Alpes : Cathédrale Notre-Dame d'Embrun, Église de Guillestre, Église de Saint-Véran, Collégiale de Briançon.

Étude comparative :

Côtes saillantes :

Caractéristique systématique des lions stylophores.

Positions des pattes antérieures :

Cathédrale de Ferrare,


Cathédrale de Parme.
On note sur les notre absence de festin entre les pattes comme sur les lions de la Cathédrale de Parme.


Base circulaire de la colonne :
Cathédrale de Parme, Basilique Santa Maria Maggiore,


Cathédrale d’Embrun,


Église de Guillestre,


Église de Briançon,


Église de Saint-Véran.


On note que la transition Lion colonne, cercle vers cercle est la plus rependue, mais la transition s’opère parfois par l‘intermédiaire d’un rectangle ou un octogone.

Queue enroulée :

Basilique de Bergame (mais debout),


Cathédrale de Plaisance,
Cathédrale d’Embrun.
L’enroulement de la queue autour du postérieur s’explique probablement par la sculpture monoxyle des lions.

Saillie des pattes postérieure :

Cathédrale de Ferrare,


Cathédrale de Plaisance.

Attitude générale :
Cathédrale d'Ancône,


Cathédrale de Modène,


Cathédrale de Parme.


On note que l’inclinaison est opérée indifféremment vers l’intérieur ou l’extérieur. Les lions s’évitant du regard de la Cathédrale de Parme semblent toutefois plus rares.

Sculpture des boucles de la crinière en registres et à l’extrémité bouclée :

Basilique Santa Maria Maggiore de Bergame,


Église de Guillestre.


Nous remercions Monsieur Vincent Lamouraux de nous avoir aimablement permis d'utiliser les photographies qu'il a prises au cours de ses voyages dédiés à l'étude de la sculpture architecturale du Nord de l'Italie et de ses alentours.
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