Les cartons de Boucher pour Crécy : de Sceaux à Sceaux, en passant par Sceaux
Lundi 11 juin 2018
La Tribune de l'Art, Didier Rykner
11/6/18 - Acquisition - Sceaux, Musée du domaine départemental - Si le tableau des Le Nain n’a pas été acheté hier lors de la vente Rouillac (voir la brève du 10/6/18), le Musée du domaine départemental de Sceaux a, en revanche, réalisé une magnifique préemption. Il a en effet acquis, pour 400 000 euros, prix marteau, un ensemble de huit cartons peints par François Boucher et son atelier qui avaient servi au tissage par la manufacture des Gobelins de garnitures de sièges commandés par Madame de Pompadour pour son château de Crécy. Ces cartons furent ensuite montés deux par deux sur un même châssis dans des toiles verticales, avec un décor de bordures peint par le collaborateur de Boucher, Alexis Peyrotte.L’histoire de ces cartons a été parfaitement décrite par Renaud Serrette dans un article de L’Estampille-L’Objet d’Art de juillet/août 2010.
On y apprend que le duc de Penthièvres, qui avait acheté le château de Crécy en 1757, avait probablement commandé à Alexis Peyrotte huit panneaux d’après des compositions de François Boucher, destinés à compléter les quatre premiers. En 1775, lorsque le duc hérita du château de Sceaux, il se sépara de Crécy en emportant ses décors, y compris les douze toiles. Celles uniquement par Peyrotte servirent à décorer le boudoir de la princesse de Conti, tandis que les quatre premiers tableaux, qui incluaient les originaux de Boucher, furent sans doute inclus dans les lambris de la chambre de la même princesse.
À la Révolution, le château fut confisqué puis détruit, et les œuvres vendues. Les huit toiles de Peyrotte sont aujourd’hui à la Frick Collection, mais les quatre ensembles comprenant des cartons authentiques de Boucher, préemptés hier, eurent un destin encore plus étonnant. Ils furent en effet achetés en 1872 par le duc de Trévise qui était alors le propriétaire du château de Sceaux reconstruit. Et en 1923, lorsque celui-ci fut cédé au département des Hauts-de-Seine, ils restèrent la propriété de la famille de Trévise et quittèrent à nouveau l’édifice. Il s’agit donc de la troisième fois (et la dernière) que ces œuvres arrivent au château de Sceaux.
Signalons pour terminer que selon Alastair Laing, certains des cartons inclus dans les toiles de Sceaux sont autographes (deux sont signés), d’autres sont dus à Boucher avec son atelier. On comparera enfin utilement ces œuvres avec les cartons de cet artiste déposés par le Mobilier National à Orléans dont nous parlions récemment à l’occasion de la réouverture du parcours XVIIIe siècle de son musée des Beaux-Arts (voir l’article).