« J’étais un barbare tendre et plein de violence »
Mercredi 22 avril 2020
extrait de "Adjugé ! La saga des Rouillac"
par Aymeric Rouillac
"La naissance de l’art moderne est une véritable aventure dont les explorateurs qui se retrouvent dans la capitale française progressent « en cordée ». Paris est une fête, attirant dans le sillage de l’Exposition universelle de 1900 quarante-huit millions de visiteurs, avides de nouveautés, dans la Ville Lumière. Les artistes provinciaux et les étrangers fréquentent comme les Parisiens les ateliers des maîtres des écoles des Beaux-Arts, logeant dans les quartiers populaires que sont Montmartre puis Montparnasse.
Les impressionnistes ayant ouvert la brèche renversant les canons établis lors de la Renaissance, chaque transgression est à nouveau vilipendée par la critique. Ainsi, au Salon d’automne de 1905, la salle VII montre les œuvres de jeunes peintres de retour du Midi, où ils ont décidé d’apposer sur leur toile de la couleur pure, non mélangée. Louis Vauxcelles, surpris par la candeur d’un buste de Marquet au milieu de cette orgie de tons purs, évoque « Donatello chez les fauves ». Le mot fait florès : Matisse, Derain et Vlaminck deviennent les figures de proue de la recherche sur la couleur, qui aboutira quelques années plus tard à l’abstraction. Les Voiles à Chatou de Maurice de Vlaminck ont précisément été peintes en 1905, puis ont figuré dans toutes les expositions commémorant le Fauvisme, au Japon, en Suisse comme en France (cat. 180). La touche épaisse, nerveuse et emportée, posée en virgule, en tourbillon, insuffle un dynamisme puissant à la composition retranscrivant l’émotion de l’artiste. À cette époque, Vlaminck peint essentiellement sur le motif, les bords de Seine et les bateaux, le plus souvent à Chatou avec Derain. Le peintre explique la couleur par le sentiment : « Je haussais tous les tons, je transposais dans une orchestration de couleurs pures tous les sentiments qui m’étaient perceptibles, j’étais un barbare tendre et plein de violence. »
La même année, mais sur la Marne, le peintre nabi Henri Lebasque représente également des bateaux, mais traités avec douceur et intimité, pour bercer sa fille Nono (cat. 183). Montparnasse devient le carrefour des arts et du monde. Le Bulgare Pacsin y fait poser ses modèles de petite vertu (cat. 186), alors que le Japonais Foujita confronte la tradition ancestrale à la modernité ; son Chat et lilium, une aquarelle à fond or sur soie, fut ainsi la vedette de la première vente Garden-Party en 1989 (cat. 187). Le Suisse Giacometti hante les allées du Louvre à la recherche de la vérité antique, avant d’être happé par le surréalisme d’André Breton. Le Portrait de Tériade, son ami éditeur, réalisé en 1941, signe le retour de l’artiste au réalisme, dans ce grand mouvement de questionnement artistique permanent qui est la marque des plus grands (cat. 185). "
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