Byzance oblige
Samedi 06 juin 2015
Cette semaine, Murielle nous fait parvenir la photographie d’un service à café « en excellent état » pour lequel elle aimerait avoir de plus amples renseignements. Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, satisfait sa curiosité.
« Noir comme le diable, chaud comme l’enfer, pur comme un ange et doux comme l’amour ». C’est ainsi que Talleyrand décrit cette boisson qui nous vient d’Éthiopie. A Paris, c’est la visite en grande pompe de l’ambassadeur de la Sublime Porte (Byzance) auprès de Louis XIV qui lance la mode du café dans la haute société. Mais, rares et onéreux, les grains de cafés mettront du temps à s’imposer sur toutes les tables. La consommation publique viendra donc plus tard. Le premier café d’Europe ouvre à Venise en 1683; on en comptera 2000 à Paris à la fin du XVIIIe siècle !
En revanche, pas question de consommer cette boisson dans un service lambda. Les premières tasses à café et cafetières débarquent du navire d’un marchand, à Marseille, en 1644. Ces précieuses pièces d’orfèvrerie proviennent d’Orient. Il faudra attendre lafin du siècle pour que les artisans français s’approprient ces nouvelles pièces de forme. La cafetière est un récipient couvert, généralement de section circulaire. Elle est en général plus étroite, bien souvent plus haute et toujours plus élancée que la théière. Munie d’une anse verticale ou d’un manche latéral horizontal, elle peut être en céramique, en cuivre, en fer… mais les plus prestigieuses sont toujours en argent. D’autres ustensiles nécessaires à la confection de « l’infusion de café » naissent également, puisque l’on torréfie et que l’on mou le café chez soi. Louis XV mettait d’ailleurs un point d’honneur à préparer en personne sa boisson favorite. En ce qui concerne les cafetières, Voltaire, qui buvait une douzaine de cafés par jour, en faisait la collection.
Celle de notre lectrice aurait sans doute eu sa place dans la collection du philosophe. Sa forme est sans conteste orientale et doit être très proche de celles qui arrivent par bateau à Marseille en 1644. Son bec verseur est très inspiré des marabouts arabo-musulmans. Nous sommes en pleine « turquerie », à la Bourgeois-Gentilhomme ! En porcelaine, elle reçoit un riche décor pourpre flammé et marbré, avec filets et rehauts or, qui n’est pas sans rappeler les fastes des Mille et Une Nuits. Il se compose de 14 pièces : cafetière, sucrier, 6 tasses et leurs sous-tasses. Il est donc complet et semble en bon état. Malheureusement, il ne date ni de l’époque du Roi Soleil, ni de celle de Voltaire… Il porte la signature « Lazeyras Limoges France ». Cette marque est celle d’un décorateur issu d’une famille de peintres sur porcelaine qui exerce dès le début du XXe. Ici nous nous situons plutôt dans le 3eme quart du siècle dernier. Le décor paraît de qualité, bien qu’un peu pompeux mais… Byzance oblige ! Comptez 50 € en brocante.