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Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux

Samedi 29 avril 2023

Jean-Louis, de Noyers-sur-Cher propose des étranges compositions aux oiseaux multicolores. Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, nous en dit plus sur l’histoire et la valeur de ces objets.



Prenons un peu de hauteur ! Les oiseaux, de par leurs chants, leurs couleurs mais, aussi ici, par l’émotion que leurs chasses, procurent, fascinent les hommes. Des grottes de Lascaux à l’oiseau bleu de Twitter, les artistes n’ont jamais cessé de les représenter. Cependant, cette oeuvre ne relève pas de l’art avec un grand « A », mais de l’artisanat. Il s’agit en effet de deux trophées de chasse, ou plutôt d’une paire de cadres contenant chacun deux oiseaux. Probablement d’une soixantaine de centimètres de haut, les cadres au verre bombé protègent ces espèces de la poussière et des insectes.
Un taxidermiste a effectué cette composition.

Des oiseaux empaillés du 19e

Rappelons que la taxidermie est l’art de préparer les animaux pour les conserver avec l’apparence de la vie. Ces oiseaux ont probablement été empaillés à la fin du 19e siècle. Hélas, la signature illisible ne permet pas d’identifier un atelier précis.
Mais prudence ! La naturalisation à cette époque se fait au moyen de produits dangereux. Pour éviter que la vermine n’attaque les oiseaux, on pulvérise en effet sur leurs plumes de l’arsenic ! Lorsque l’on manipule ce type de pièces, il est donc conseillé de se munir de gants et idéalement de se protéger au moyen d’un masque.
Si ce genre d’objet touche évidemment les chasseurs, il intéresse également les naturalistes. Le taxidermiste est en quelque sorte un concurrent des artistes.
L’un des peintres français les plus fameux en la matière est Jean-Baptiste Oudry. Actif au 18e siècle, il s’adonne toute sa vie
à la représentation d’animaux. Alliant une minutieuse observation naturaliste à un sens illusionniste remarquable, il se distingue vite de la manière fantasmagorique et opulente des autres artistes animaliers. Appréciés pour leurs qualités
naturelles, ses animaux ne sont plus stylisés et sortent du cadre mythologique.
Mais à propos, de quels oiseaux s’agit-il ? Pour l’une des compositions, il semble s’agir d’une tourterelle des bois et d’une perdrix rouge. Pour l’autre, aux oiseaux colorés, j’identifie un rollier à ventre bleu et un oriole des campos, deux espèces respectivement présentes en Afrique de l’Ouest et en Amazonie. Il convient cependant d’être vigilant lorsque l’on expertise des oiseaux aux plumages rares et colorés. Rappelons que, pour de bonnes raisons, le Code de l’Environnement français punit sévèrement le trafic de spécimens sauvages protégés et que le commerce d’animaux exotiques fait l’objet d’une réglementation stricte. Il est ainsi formellement interdit de vendre des espèces protégées et naturalisées après 1940. Si l’éléphant est devenu le symbole de la lutte contre le braconnage, il ne faut pas oublier que les oiseaux sont toujours
victimes d’une importation massive vers l’Europe pour l’art de la plumasserie.
Compte tenu de la composition de cette paire de cadres, typique de la fin du 19e siècle, tout porte à croire que la naturalisation de ces oiseaux est antérieure à 1940 : leur commerce n’est donc pas interdit, sous réserve de l’obtention d’une autorisation administrative. Au regard de l’état imparfait de vos trophées (verre cassé, petits accidents…), nous pourrions articuler un prix autour de 150 € en vente publique. Pas de quoi s’envoler… mais suffisamment pour faire le tour
du monde en une journée grâce aux magnifiques oiseaux de la volière de Beauval !
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