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De la plume à la bille

Samedi 25 juin 2016

Cette semaine, un lecteur sollicite notre commissaire-priseur, Maître Philippe Rouillac, afin de connaître l’histoire et l’estimation d’un objet.

En cette période d’examens, voici un objet qui ne pouvait mieux tomber : un encrier ! Parlez-en aux bacheliers de cette année, ils vous répondront Préhistoire…! Et pourtant, je suis certains que vous êtes nombreux à vous souvenir encore parfaitement de vos doigts violets… En effet, le porte-plume n’est abandonné à l’école qu’en 1965. Ici, il ne s’agit évidemment pas d’un encrier d’écolier. La base de forme rectangulaire à pans coupés est en marbre noir. En façade, une cuvette oblongue accueille le porte-plume. Il se trempe dans le godet accueillant l’encre à droite, l’autre étant réservé à une saupoudreuse contenant du sable ayant fonction de buvard, pour éliminer le trop-pleind’encre.

Ces deux éléments possèdent un couvercle bombé terminé par une toupie godronnée. Le clou de cet encrier est un buste à l’Antique en bronze patiné, trônant au centre de l’objet. Il s’agit d’Hippocrate, le célèbre savant grec, père de la médecine. Les encriers étant des objets utilitaires présents sur tout bureau, il n’est pas rare que leur décor, leur ornementation et leurs formes soient soumis à toutes sortes de fantaisies en rapport avec leur détenteur. Sans doute possible, cet objet figurait sur le bureau d’un médecin à la fin du XIXe siècle !

Les premiers textes écrits connus ont 6 000 ans. Tracés à l’aide d’un stylet, ils figurent sur des tablettes d’argile trouvées en Mésopotamie. En Égypte, on leur préfère le papyrus sur lequel on écrit à l’encre à l’aide d’un morceau de roseau taillé. Les élèves d’Hippocrate, écrivaient quant à eux sur des plaques de cire. En Occident, il semble que la plume d’oiseau soit employée dès le IVe siècle, sur du parchemin, une peau animale traitée. Lorsque le papier débarque de Chine au XIIIe siècle, il est, vous l’imaginez, plutôt bienvenu. Mais personne n’a encore réussi à régler le problème de la plume qui, usée par les frottements sur le support, doit sans cesse être retaillée. Ce sera chose faite au milieu du XIXe lorsque l’on fabrique des plumes en métal. Puis le porte-plume est muni d’un réservoir, donnant ainsi naissance aux stylos-plumes que l’on connaît aujourd’hui. Ils survivent péniblement face au stylographe à bille qui s’impose en France dans les années 50. En 1965, l’Éducation Nationale autorise son utilisation à l’école. Pour l’anecdote, Bic modifie son stylo en l’an 2000 à la demande de ce ministère : le culot est collé, évitant de fait sa transformation en sarbacane ! Aujourd’hui cette entreprise française vend 25 millions de stylos par jour à travers le monde.

L’encrier de notre lecteur est donc l’exemple parfait d’un objet encore indispensable il y a moins de cent ans et parfaitement inutile aujourd’hui ! En bon état, comptez une centaine d’euros pour ses qualités esthétiques. Poser-le sur votre bureau et rangez donc vos « Bic » dans la cuvette, Hippocrate ne vous en voudra pas !
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