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La tête de Louis XIII enfant

Vendredi 26 janvier 2024

Attribuée à Simon Guillain (Paris, 1581-1658)

Tête de Louis XIII enfant, c. 1610

en pierre calcaire de Tonnerre sculptée en ronde-bosse. Tête ceinte d'une haute couronne royale fleurdelysée et orfévrée ainsi que d'une couronne de laurier portée sur la chevelure; visage avec les joues pleines, les globes oculaires proéminents, les yeux aux caroncules lacrymales ourlées et creusées, la bouche petite aux lèvres desserrées ; la chevelure mi-longue forme autour du visage une suite de mèches ondulées et bouclées au centre foré au trépan.

Haut. 43,5 Larg. 27,5 Prof. 28 cm
(quelques accidents et manques)
Soclée. Haut. totale 60,5 cm.

Provenance : ancienne collection Jacques Pouillon (1935-2011), sculpteur et antiquaire, Versailles.

Attributed to Simon Guillain, ca. 1610. A large sculpted limestone head of King Louis XIII as a child.

Une rare représentation de Louis XIII ensemble

Le destin de Louis le treizième

Suite à l'assassinat de son père Henri IV, le jeune Louis est sacré à Reims le 17 octobre 1610 à l'âge de neuf ans et prend alors le nom de Louis le treizième. Il nous reste quelques gravures et dessins de cet évènement, dont celui de François Quesnel conservé à la Bnf, mais aussi des jetons ou des médailles. Les autres représentations du jeune roi au même âge nous montrent un enfant aux joues rebondies, comme sur la gravure de Léonard Gaultier ou le tableau de Pourbus du Palais Pitti. Outre les « joues bouffies » caractéristiques du jeune monarque, on retrouve sur cette imposante tête en pierre les globes oculaires saillants aux paupières épaisses qui sont un autre trait physique que nous montrent les portraits du souverain devenu adulte, tel le buste en bronze réalisé vers 1643, longtemps attribué à Jean Varin et donné à présent à Bordoni.

Un portrait à la gloire du roi

Aucune de ces figurations ne le représente cependant portant les deux couronnes, la couronne royale et celle de laurier. On est ainsi en présence d'une image à la gloire du jeune Louis XIII à l'âge de son sacre. Il est difficile d'imaginer à quel type de monument commémoratif pouvait appartenir cette tête imposante, haute de plus d'une quarantaine de centimètres. La volonté de réaliser une telle statue ne pouvait émaner que d'une autorité élevée, proche du pouvoir, telle la régence de Marie de Médicis ou le conseil d'une grande ville de province. Or, les archives ne semblent faire nulle part mention d'une commande semblable.

La pierre calcaire, analysée par Annie Blanc, géologue, est un « calcaire blanc mitritique de type pierre de Tonnerre ». Bien que très employée en Bourgogne et jusqu'en Champagne, cette pierre a été aussi travaillée à Paris et dans la région parisienne comme à Versailles tant au XVIe qu’aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Simon Guillain, un sculpteur émérite

Pour une effigie de cette importance du jeune roi, le commanditaire a dû s'adresser à un artiste jouissant d'une certaine renommée ou ayant reçu une sérieuse formation. Quelques noms de sculpteurs ayant pu répondre en 1610 à ce type de commande viennent à l'esprit : Barthélémy Tremblay (Louves-en-Parisis, vers 1568 - Paris, 1636), Guillaume Bertelot (Le Havre, vers 1583 - Paris, 1648) ou encore Simon Guillain (Paris, 1589 - Paris, 1658). Ce dernier cependant semble le plus à même de correspondre à l'auteur de cette étonnante sculpture. Né à Paris en 1589, il est le fils et l'élève du sculpteur Nicolas Guillain, dit Cambrai, mort dans la capitale en 1639. Fondateur, parmi d'autres artistes, de l'Académie en 1648, Simon Guillain est notamment connu pour être l'auteur du monument royal du Pont au Change élevé à la gloire du jeune Louis XIV, entre 1639 et 1647, qui représentait en statues de bronze le souverain - au même âge de 9 ans - entre Louis XIII et Anne d'Autriche, monument considéré comme l'apogée de sa carrière. L'ensemble de ces sculptures est à présent au musée du Louvre. Il n'en était pas à sa première représentation de ce roi, ayant réalisé auparavant une statue en pied de Louis XIII pour orner la porte cochère du bâtiment des juges consulaires, rue du Cloître Saint-Merri, démoli peu après la Révolution. Cette sculpture en pierre le représentait « avec des lions soumis à ses pieds, allusion à ses avantages sur l'Espagne ». On sait de même qu'il avait figuré Saint Louis sous les traits de Louis XIII au retable de Saint-Eustache.

Sa réputation de grand portraitiste était également bien établie, puisque de nombreux commanditaires lui avaient confié la réalisation de statues priantes de plusieurs sépultures entre 1620 et 1630. On lui doit notamment celles en marbre de Chrétienne Leclerc († 1628) et de Charlotte-Catherine de la Tremoille († 1629), toutes deux visibles au Louvre (inv. LP 414 et 400, fig. f et g). Les mèches tout autour du visage de cette dernière, avec le toupet relevé au-dessus du front, toupet malheureusement mutilé sur l'enfant royal, peuvent être comparées à celles de notre tête, ainsi que le recours au trépan. Enfin, si pour ces commandes prestigieuses, il était en mesure de travailler le bronze ou le marbre, les archives indiquent bien entendu qu'il utilisait communément la pierre pour les églises parisiennes ; il est même précisé que, pour la Sorbonne, « il fit huit grandes statues en pierre de Tonnerre », matériau dont il se servit aussi à l'église des Carmes. Hormis un séjour en Italie, on ne sait malheureusement que peu de choses sur la première partie de la carrière de Simon Guillain, également architecte, graveur et peintre. Il paraît ainsi plausible de lui attribuer ce premier et monumental portrait de Louis XIII, commémoratif du sacre, qu'il aurait pu réaliser avant son départ vers la péninsule ; ce portrait, imposant avec sa double couronne, a pu légitimer par la suite toutes ses autres représentations du souverain.

Bibliographie

Ouvrages consultés: A.-N. Dezallier d'Argenville, Vies des fameux sculpteurs, Tome second, Paris, 1787, p 143 ; J.A. Dulaure, Histoire physique, civile et morale de Paris, Paris, 1826, p 417 ; J. de Marlès, Paris ancien et moderne ou Histoire de France, Tome 2, Paris, 1838, p 70 ; Comte de Clarac, Manuel de l'histoire de l'art chez les anciens, Première partie, Description des Musées de sculpture antique et moderne du Louvre, Paris, 1847, notice 43, p 416 ; G. Guillet de Saint-Georges, « Simon Guillain » dans Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l'Académie royale de peinture et de sculpture, Paris, 1864, Tome I, pp.184-194 ; S. Lamy, Dictionnaire des sculpteurs de l'Ecole française du Moyen Age au règne de Louis XIV, Paris, 1898, pp. 250-253 ; C. Maumené et L. d'Harcourt, Iconographie des rois de France, T 1, Paris, 1928, pp. 248-274 ; G. Bresc-Bautier et G. Scherf sous la dir. de, Bronzes français de la Renaissance au Siècle des lumières, Paris, 2008, pp 194-197.

Laurence Fligny
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