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Une petite baigneuse blonde

Samedi 27 janvier 2024

par Pierre-Auguste Renoir

Alfred Natanson, portrait de Renoir, 1898
Renoir, Baigneuses, Musée d'Orsay, 1919

Pierre-Auguste Renoir (Français, 1841-1919)

Baigneuse, 1882

Toile.
Signée en bas à droite.
Châssis à clé. Numéros 21387, 92 et D3342.

Haut. 36 Larg. 22 cm.
(rentoilée)

Provenance : ancienne collection Ambroise Vollard, Paris.
Certificat Art Loss Register, 13 décembre 2022.

Pierre-Auguste Renoir. A 1882 portrait of a young bather. Signed.

Bibliographie :
- Ambroise Vollard, "Tableaux, pastels et dessins de Pierre-Auguste Renoir", Paris, 1918, t.1, p.113, n°449 ;
- François Daulte, "Auguste Renoir. Catalogue raisonné de l'œuvre peint. I. Figures 1860-1890", Lausanne, Éd. Durand-Ruel, 1971, n°418 ;
- Guy Patrice et Michel Dauberville, "Renoir. Catalogue raisonné des tableaux, pastels, dessins et aquarelles", Paris, Éd. Berheim-Jeune, p. 43, n°1360.

La petite baigneuse blonde de 1882

Une nouvelle manière de peindre

Cette charmante baigneuse est l’une des toutes premières d’une longue série dans laquelle Renoir s’épanouit à partir des années 1880-1890. Vue de dos, la forme du bassin amplifiée, la jeune femme dont la robe blanche tombe pudiquement à mi-fesses illumine le haut du tableau par sa tête blonde et son regard bleu juste au-dessus de la ligne d’horizon. Tourné vers ce qui semble être l’amorce d’une falaise, son corps juvénile aux ombres bleutées se détache nettement sur une nature sauvage, transformant l’expérience artistique en source de sensualité et de vitalité. Renoir est métamorphosé et change alors de style ; cette baigneuse s’inscrit dans sa nouvelle manière de peindre et son nouveau type de sujet. Le peintre s’était essayé à envoyer pour la seconde Exposition Impressionniste de 1876 un premier nu, "Étude, Torse effet de soleil" (Musée d’Orsay, Paris). Mais si l’aspect non fini cadrait parfaitement avec l’esthétique qu’il recherchait, l’audace du sujet effraya la critique. La fin des années 70 est donc consacrée aux portraits et aux scènes de la vie moderne, culminant avec le Déjeuner des canotiers en 1880-81 (Philipps Collection, Washington).

Réalisé avec Cézanne ou avec Monet

Gagnant en aisance financière après sa première participation au Salon officiel et grâce aux commandes de portraits qui l’absorbent, Renoir se décide à l’automne 1881 à voyager pour la première fois en Italie. Venise, Rome, Naples sont pour lui l’occasion d’éprouver la peinture des maîtres qu’il admire, Raphaël et Ingres en particulier. Il confronte son œil à la puissance du trait, à la primauté de la forme humaine et à la simplicité des sujets antiques. C’est à Capri, au bord de la mer, qu’il peint son premier nu ambitieux : la Baigneuse Blonde I (Sterling and Francine Clark Art Institute, Williamstown). Le modèle est probablement Aline Charigot, qui le rejoint pour la fin du voyage et qu’il épousera quelques années plus tard. Renoir est amoureux. Il se met à peindre sans complexe des nus qu’il expose. Sur le chemin du retour, en janvier 1882, l’artiste s’arrête à l‘Estaque, à côté de Marseille, pour rendre visite à son ami Cézanne. Les deux hommes travaillent ensemble. C’est dans la douceur de cet hiver que le peintre réalise la synthèse entre la leçon reçue en Italie face à la grandeur des fresques de Raphaël et celle de la modernité défendue ardûment avec Cézanne. Notre baigneuse a pu être peinte à ce moment, captée sur le vif. Le petit format, les tons froids et la touche rapide plaident en ce sens. Attrapant une pneumonie, Renoir se soigne en retournant au printemps en Algérie, à la suite des Orientalistes et de Delacroix. Il revient à l’Estaque à l’été 1882, avec son ami Claude Monet cette fois, travailler sur la figure. Notre baigneuse aurait également pu être peinte lors de ce second séjour méditerranéen, en 1882, avec le maître de l’Impressionnisme.

Collection Ambroise Vollard

Renoir ne se sépare pas de cette toile, qu’il conserve jusqu’à la fin de sa vie. La révélation de ce témoignage d’une étape personnelle artistique importante nourrira d’autres œuvres. Elle est ensuite recadrée, découpée dans sa partie basse et raboutée à une toile semblable mais à la touche plus lisse afin d’en retenir une œuvre à part entière. Le trait de séparation horizontale dans le quart inférieur apparait déjà nettement sur la photographie publiée en 1918, du vivant de l’artiste, dans le catalogue de ses œuvres réalisé fièrement par son marchand Ambroise Vollard. C’est précisément sur cette seconde toile, en bas à droite, que l’artiste choisit d’apposer sa signature. Traitée individuellement, cette jeune femme annonce la Baigneuse assise de 1892 (Metropolitan Museum of Art, New York) ou les Baigneuses de 1897, traitées en groupe (Fondation Barnes, Merion). Ignorant complètement le spectateur, cette première et rare toile d’une femme enfant plongée dans une nature dont elle se détache pleinement, convoque l’esprit d’innocence qui ne sera plus de mise avec les modèles plantureux dévisageant sans complexe le peintre au début du XXe siècle. Cette Petite baigneuse blonde est donc l’une des toutes premières d’une longue série, chérie tant par le peintre que par ses amateurs, qui bientôt plébisciteront le genre.

Aymeric Rouillac
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