Une toile du premier ministre ?
Samedi 07 septembre 2024 à 07h
Cette semaine, Brigitte, du Loiret, soumet à l’expertise de notre commissaire-priseur un tableau fleuri signé d’un certain Barnier. L’occasion pour Philippe Rouillac d’en dire plus sur cette œuvre et sa valeur.
Ces derniers jours, deux hommes autres que des sportifs font l’actualité : Pierre de Ronsard, dont sont célébrés les 500 ans de la naissance, et Michel Barnier, qui vient d’entrer à Matignon. L’œuvre de notre lectrice, signée de Barnier et représentant un bouquet de roses, est un clin d’œil à ces deux personnages.
Sur ce tableau figure en effet un bouquet de roses anciennes disposées dans un vase en grès bleu placé sur une table. Trois pétales sont tombés aux pieds de trois ouvrages anciens, aux reliures de cuir, appuyés contre le vase. Cette œuvre est signée « L. Barnier » en bas à gauche. Selon Brigitte, il s’agit d’une aquarelle, c’est-à-dire une peinture à l’eau. Cette œuvre appartient à la catégorie des natures mortes. N’y figurent ainsi que des éléments inanimés : fleurs, fruits, dépouilles de gibier ou objets ayant souvent une connotation symbolique. Ce genre inspire les plus grands peintres, tels Van Gogh et ses Tournesols ou Chardin, avec son désormais célèbre Panier de fraises qui vient d’entrer au musée du Louvre.
Le choix de la rose est hautement symbolique. La reine des fleurs évoque un amour tantôt naissant, tantôt ardent, suivant son coloris ; mais gare à ses épines, qui peuvent blesser ceux qui la touche ! Elle symbolise alors une double passion, à la fois amoureuse et christique, le terme « passion » signifiant étymologiquement « souffrance ». Son caractère éphémère, avec ses pétales qui se détachent les uns après les autres, rappelle la brièveté de l’existence et de l’amour. Ronsard exhorte ainsi Cassandre à « cueillir les roses de la vie » avant qu’elles ne se fanent. Les livres constituent un contrepoint : symboles de connaissance et de transmission, les grandes œuvres traversent en effet les siècles et inspirent les peuples de génération en génération... Mais attention… l’un des ouvrages est posé à l’envers, plus comme un élément de décor que comme une invitation à la sagesse !
Mais qui est son auteur ? S’agirait-il du nouveau premier ministre ? Il s’agit en fait d’un homonyme, Lucien Barnier. Ce peintre actif à la fin du XIXe siècle, comme le confirme la date de 1882 inscrite au dos du châssis, s’est spécialisé dans les natures mortes et les marines. Il ne dispose pas de côte établie, ce qui conduit à la prudence quant à l’estimation de cette aquarelle, que nous pourrions fixer autour de 50 euros. Telles ces fleurs immortalisées en plein éclat, nous souhaitons au nouveau premier ministre une mandature plus longue que la vie d’un bouquet de roses… et également moins épineuse !