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L’atelier montmartrois du sculpteur Paul-Henri Friquet dispersé aux enchères à Paris

Lundi 07 octobre 2024

Le magazine des enchères, Diane Zorzi

L’atelier du sculpteur Paul-Henri Friquet, installé depuis 1964 au cœur d’un parc montmartrois de 6 000 m2, sera dispersé aux enchères par la maison Rouillac à l’occasion d’Art Basel Paris le 17 octobre. Rencontre au sommet…de la butte.

Niché sur la butte Montmartre, à quelques encablures du Sacré-Cœur, un écrin de verdure accueille sur 6 000 m2 l’un des lieux les plus secrets de la capitale. Là, des artistes œuvrent depuis plus d’un demi-siècle, loin de l’agitation montmartroise. L’un d’eux, Paul-Henri Friquet (né en 1933), y a établi son atelier dès 1964, pour y façonner une centaine de sculptures – des terres cuites, bronzes ou marbres encore en place, tandis que leur père s’est retiré dans le Midi. Autant de créations demeurées à l’atelier que le commissaire-priseur Aymeric Rouillac s’apprête à disperser aux enchères. Paul-Henri Friquet a chargé sa fille, Dominique Favey, d’organiser cette vente rétrospective. « N’ayant aujourd’hui plus la force de travailler, du fait de ses 80 ans, il voulait que sa sculpture continue à vivre chez des collectionneurs », confie celle qui a grandi au cœur de cet atelier, « entourée de sculpture… et de sculpteurs ».

De Montparnasse à Montmartre

Né à Nice d’une mère corse, Paul-Henri Friquet s’installe à Paris en 1954. Il y apprend la pratique exigeante de la taille directe auprès du « virtuose toscan du marbre », Gigi Guadagnucci (1915-2013), et suit les cours de dessins d’Henri-Georges Adam (1904-1967), graveur et sculpteur non figuratif de la Nouvelle Ecole de Paris. Diplômé de l’Ecole des Beaux-Arts en 1961, ce sculpteur discret, qui préférait aux feux de projecteurs l’ombre de son atelier, a vu son travail salué à plusieurs reprises, recevant notamment le Prix de la Fondation de la Vocation en 1961 et le prix Fénéon en 1968. « Il a peu vendu mais il a reçu le soutien des institutions publiques, comme le Fonds National d’Art Contemporain qui acquiert en 1976 sa Cité flottante, détaille Aymeric Rouillac. Il a également été le pilier du Salon Réalités Nouvelles, dont il est devenu membre du comité de direction ».

A Paris, Paul-Henri Friquet réside un temps du côté de la rue de Babylone, « où Tinguely, raconte Dominique Favey, lui passe sa chambre aux murs couverts de calculs et de graffitis », avant de s’installer à Montparnasse dans un atelier rue Didot. « Il fréquente la Coupole et le Select, et côtoie les grands artistes de l’époque, Alberto Giacometti, Jean Tinguely, César, Dado, Albert Féraud…, note le commissaire-priseur. Et à Montmartre, où il s’installe en 1964, il sera entouré, et respecté, par des artistes comme Sam Szafran, Marcel Petit ou Serge Kantorowicz. »

Des pièces uniques

Dans l’atelier montmartrois, les outils encore présents – un burin, une masse et des couteaux – se souviennent du savoir-faire du maître des lieux. « Paul-Henri Friquet fait partie de ces rares sculpteurs capables d’attaquer des blocs de pierre et de marbre en taille directe, comme Michel-Ange, et il a toujours privilégié le travail manuel et la création de pièces uniques », souligne Aymeric Rouillac. Cette vente rétrospective rend compte de l’évolution de la carrière du sculpteur, depuis une Maternité de 1962 (un bas-relief en pierre calcaire) jusqu’à une Tête en marbre de Carrare, sa toute dernière œuvre exécutée en 2019. « Paul-Henri Friquet s’inscrit dans l’histoire de la sculpture abstraite d’après-guerre. Son travail intemporel le situe entre Brancusi et Giacometti, à mi-chemin entre l’abstraction la plus pure et une figuration subtilement suggérée », résume Aymeric Rouillac.

Humblement, Paul-Henri Friquet dompte la pierre, le bronze, le marbre et les granits les plus durs, sublimant son matériau pour l’offrir à la lumière alentour. Il suggère ici un portique, une cheminée ou un visage ; là, un voyage, une vague ou un nuage… Autant d’images, tangibles ou fugitives, auxquelles il donne vie au gré de formes rigoureusement architecturées qui fièrement se dressent dans l’espace. Paul-Henri Friquet est de ces artistes rares parvenus à retrouver l’éternité dans la permanence de la nature –

« Elle est retrouvée ! — Quoi ? — l’Éternité. C’est la mer mêlée Au soleil. »

(Arthur Rimbaud, « L’Eternité »)
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