Un vase tourangeau inspiré de l’Empire
Samedi 09 novembre 2024 à 07h
Cette semaine, Nadine, l’une de nos fidèles lectrices, nous interroge sur un vase bleu et or. L’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de cette pièce d’ornement.
Il y a tout juste 225 ans, le 9 novembre 1799, Napoléon Bonaparte entame le coup d’Etat du « 18 Brumaire » mettant fin au Directoire et à la Révolution. Napoléon fait installer un nouveau régime tricéphale et impose sa nomination en tant que Premier Consul, laquelle lui confère la majorité des pouvoirs. Il devient ainsi le nouveau chef de l’État, à trente ans seulement ! Avec le Consulat, Napoléon peut poser les bases de ce qui deviendra l’Empire, cinq ans plus tard. Pour renforcer sa légitimité, il met les arts à son service et notamment la manufacture de porcelaine de Sèvres, qui réalise des pièces en bleu et or avec un répertoire décoratif issu de l’Antiquité.
Votre vase, Nadine serait-il issu de cette prestigieuse manufacture ? Au vu de sa forme allongée reposant sur un piédouche, avec des anses culminant au-dessus de la lèvre du vase, rappelant les amphores antiques, on pourrait effectivement le penser. Sa couleur bleu profond rehaussée de filets dorés au niveau du pied et de la lèvre et ses anses, dorées également, évoquent elles aussi les pièces produites à Sèvres. Le motif principal du décor, constitué par une frise de rinceaux et de rameaux d’olivier dorés sur un fond bleu craquelé plus clair, se trouve en partie haute de la panse sur laquelle viennent se fixer les anses terminées en col-de-cygne stylisé.
Attention cependant, tout ce qui brille n’est pas or ! Il faut donc rester prudent et retourner la pièce pour vérifier la présence d’une marque qui certifierait son origine. On découvre ainsi que le revers ne présente pas la marque de Sèvres mais une marque dorée en forme de tour encadrée des lettres « J et P », correspondant à la marque de la manufacture Jaget et Pinon, basée à Tours. De plus, on remarque que ce vase a été réalisé avec une pâte sombre : il s’agit donc d’une œuvre en faïence émaillée. La signature dans le décor du céramiste Maurice Pinon confirme cette origine tourangelle et nous permet de dater la pièce de la première moitié du XXe siècle. On retrouve sa signature sur de nombreuses pièces de style Art Déco ou autres, comme des garnitures de cheminée de style Empire. L’un des points communs de toutes ces pièces est l’utilisation de ce « bleu de Sèvres » rehaussé d’or.
Maurice Pinon ayant eu une production pléthorique, sa cote sur le marché est relativement faible. De plus, cette manufacture assez récente n’a pas le prestige des grandes manufactures du XVIIIe siècle. On pourrait donc articuler une estimation autour de 50 à 80 euros pour votre vase, Nadine. De quoi vous offrir un joli cadeau au Salon « L’Art au Quotidien » qui se tient au Palais des Congrès de Tours ce weekend !