La Gazette Drouot, Christophe Provot
Chomo (1907-1999), Alfa jaune, 1992, acrylique et feutre sur papier, signé et titré,... De Chomo à Touret, deux jours de ventes éclectiquesChomo (1907-1999), Alfa jaune, 1992, acrylique et feutre sur papier, signé et titré, daté au revers, 105 x 75 cm.
Adjugé : 12 400 €
Le succès était au rendez-vous pour l’artiste iconoclaste dont la reconnaissance se confirme toujours plus. D’autres noms plus conventionnels remportaient eux aussi de jolis résultats.
S’il ne fallait retenir qu’un nom, c’est bien celui de Chomo. De son vrai nom Roger Chomeaux, cet artiste visionnaire, qui vivait en ermite dans la forêt de Fontainebleau, fait aujourd’hui figure de pionnier de l’écologie. À la marge de la société, cet asocial invétéré qui refusait catégoriquement à son œuvre le qualificatif d’art brut – et dont la vie et les péripéties ont été contées dans la Gazette n° 38, page 25 – a trouvé son public. Pour preuve, les 99 peintures et sculptures cédées à Tours le dimanche 10 novembre se vendaient en gants blancs, pour un total de 177 940 €. Pari réussi pour les Rouillac ! Toutes mises à prix 500 €, les œuvres partaient au-dessus de leur estimation, avec un pic à 12 400 € pour cet acrylique et feutre sur papier de 1992, Alfa jaune, qui se hissait au troisième rang des meilleurs prix de l’artiste (source Artnet). Le panneau double face (122 x 81 cm), figurant d’un côté un Mutant vibratoire et de l’autre un Mutant noir 2, vers 1990, décrochait 8 804 €. Le Polyptique aux engrenages (voir même Gazette) recevait quant à lui 930 €. La sculpture n’était pas en reste, le Jouet interdit de la série des « Bois de Séverine » (même Gazette) acceptant 4 960 €. Dans le médium, c’est toutefois le Grand Mutant violet qui dominait.
arts+design
Le jour suivant, bien que férié, n’a pas chômé ! Une voiture à l’étrange allure se hissait sur le podium de cette vente qui totalisait 348 911 €. Antoine Rabany se manifestait avec un Zouave Barbu Müller en pierre volcanique (37 cm), le 59e identifié par le spécialiste Bruno Monpied et attribué à ce singulier artiste, qui déménageait à 32 240 €, au terme d’une bataille opposant deux collectionneurs européens. Le street art était présent via douze œuvres qui totalisaient 40 000 €, 9 900 € revenant à un Invasion Kit n° 5, Atari, une mosaïque de 80 carreaux en pâte de verre (16 x 20 cm) numérotée 16/150, du fameux Invader, et sous scellé jamais ouvert. En revanche, la toile de Manguin, vue dans la Gazette n° 40, restait au mur.
Lorjou
Trente-trois œuvres provenant de la succession de Bernard Lorjou (1908-1986) étaient proposées lors de la vente arts+design #8 du 11 novembre, et totalisaient 95 000 €. Parmi elles, ce Charles VI peint sur toile sans châssis (276 x 135 cm) acceptait 9 680 €. Comme de coutume, Lorjou a choisi ici un format monumental, conférant à ce portrait royal la force d’une peinture historique. Le colorisme forcené de cet autodidacte et pourfendeur de l’abstraction – gratifié en 1948 du tout nouveau prix de la Critique, aux côtés d’un certain Bernard Buffet – n’a pas manqué d’inspirer les artistes
Touret
Jean Touret (1916-2004) faisait ex-aequo avec le Charles VI de Bernard Lorjou, son Christ en chêne brut (242 x 145 x 8 cm), vers 1970, recueillant lui aussi 9 680 €. Il provient du monastère du carmel de Molineuf (Loir-et-Cher) et ferait partie, d’après François et Sébastien Touret (les fils de l’artiste), du mobilier d’une petite chapelle extérieure au monastère, voulue par l’abbé Marceau, un ami de Jean Touret. Sculpteur de formation et rénovateur de l’art sacré dans l’après-guerre, ce dernier est le fondateur de l’atelier des Artisans de Marolles et de Loir-et-Cher, dont les créations connaissent un succès toujours plus grand aux enchères.
Mutant
10 168 € récompensaient ce Grand Mutant violet de Chomo (125 x 88 cm), vers 1978, en plastique enduit et peint sur grillage. Les années 1970 sont pour l’artiste l’aboutissement de ses expérimentations sur le plastique fondu. Associant du grillage à poule recouvert d’une poubelle fondue au chalumeau, il crée des personnages fantastiques qui peuplent peu à peu son village d’art préludien. Ce procédé n’est pas sans risques : les émanations du plastique en fusion causèrent à Chomo un empoisonnement du sang qui faillit lui coûter la vie…
Hobbycar
L’étrange allure de ce véhicule, qui promet de ne pas passer inaperçu sur les routes, n’aura pas dissuadé les acheteurs. Cette Hobbycar amphibie, modèle B612 A de 1996, pourvue d’un moteur diesel de 6 chevaux et pesant la bagatelle de 1,2 tonne, démarrait à 49 600 €. Dévoilée en 1994, annoncée avec une vitesse maximale de 140 km/h sur terre et 6 nœuds sur les flots, une soixantaine d’exemplaires seulement seront produits par la société Hobbycar, fermée depuis. Le prix de ventes étant de plus de 86 000 € le véhicule n’a pas porté chance à la compagnie, qui fut placée en redressement judiciaire.