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Un vide-poche poisson… d’avril

Samedi 05 avril 2025 à 07h

Cette semaine, Arnaud de Baigneaux soumet une petite céramique en forme de poisson à notre expertise ; l’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de cet objet.



Comme chaque année, le premier avril fut l’occasion de faire des farces à ses amis, ses collègues ou encore sur les réseaux sociaux. Au-delà des farces, il est aussi courant de coller des poissons en papier dans le dos des gens afin de les taquiner.

Il est justement question de poisson avec l’objet de cette semaine : il s’agit d’une petite coupe vide-poche en céramique blanche rehaussée d’un décor vert et rouge. Cette coupe prend la forme d’un discus, poisson tropical originaire d’Amérique du Sud particulièrement apprécié par les amateurs d’aquariophilie. Sa forme particulièrement marquante en fait l’un des poissons les plus utilisées pour des objets décoratifs notamment dans la région de Vallauris.

Cette ville, célèbre pour le travail de la céramique moderne, connaissait une activité prospère de fabrication de poteries dès la fin du XIXe siècle. Toutefois c’est surtout grâce à la présence de Picasso durant sept ans, à partir de 1946, que la ville connait un essor artistique. Picasso incite d’autres artistes à venir le rejoindre, comme Roger Capron, Henri Matisse ou encore Jean Marais. La céramique de Vallauris, en particulier sous son influence prend une dimension presque sculpturale pour les objets mais aussi en ce qui concerne les couleurs. Celles-ci se doivent d’être intenses et on note une nette préférence pour un émaillage des pièces en rouge, vert ou turquoise. Parmi celles-ci figurent de nombreux objets en forme de poisson, fabriqués pour les touristes.

Les origines de la tradition du « poisson d’avril » sont obscures et sans doute plurielles. Certains la font remonter à sa proximité avec Pâques et la place du poisson chez les chrétiens. En effet, aux premiers temps du christianisme, il était courant d’associer le poisson et le Christ non seulement car le terme grec pour poisson, « ikhthús», était utilisé comme acronyme pour Jésus Christ, mais aussi en rapport avec l’épisode de la « multiplication des pains et des poissons dans la Bible ». Enfin, le poisson prend également une place importante dans l’alimentation des chrétiens au moment du Carême.
Une autre origine potentielle serait liée à l’instauration de la réforme du calendrier au XVIe siècle, Lorsque Charles IX décide que l’année commencera désormais au 1er janvier pour l’ensemble du royaume et non plus aux alentours du 1er avril, comme précédemment. Ainsi, ceux qui continuaient à fêter la nouvelle année à cette date faisaient l’objet de moqueries et se voyaient offrir de faux poissons pour la fin du Carême. De fait, cela aurait donné naissance à la tradition selon laquelle ce qui est annoncé au 1er avril est différent de la réalité.

D’autres auteurs parlent d’une origine liée à d’anciennes fêtes romaines, un lien avec les périodes de pêches ou d’anciens calendriers, ou encore l’arrivée du printemps. Il est probable que ces différentes origines se soient mêlées pour donner naissance à la tradition que nous connaissons de nos jours. Celle-ci est toujours vivace et il arrive souvent que l’on s’offre de petits cadeaux ou des confiseries en forme de poisson ce jour-là.

Concernant votre vide poche, Arnaud, Il faudrait pouvoir examiner son revers pour en déterminer l’origine, le lieu et la date de production. On devrait y voir une marque : il peut s’agir d’un tampon, d’une marque en creux ou d’une empreinte, ou encore d’une marque au pinceau ou au pochoir. Mais même en l’absence de ces informations, nul doute qu’il s’agisse d’une production récente destinée aux touristes. Il convient donc de rester prudent et de l’estimer entre 5 et 10 euros. Une somme suffisante pour offrir un petit poisson en chocolat à un ami !
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