ROUILLAC SUR ARTE : AU NOM DU PERE ET DU FILS...
Lundi 17 décembre 2012
La Renaissance, Frédéric Sabourin
C'est aussi - faut-il le dire et l'écrire - une histoire de filiation. Une complicité remarquable et si singulière qu'elle témoigne d'un attachement non feint d’un père pour son fils, et d'un fils pour son père Magie de la réalisation, et des mises en situations. Dans les deux premiers épisodes,Chasseurs de trésors et Les Sherlock Holmes, il y a, à de nombreux moments, une ambiance si décalée, que l'on croît être dans un film de Pascal Thomas, avec Catherine Prof et André Dussollier (le Crime est notre affaire, Mon petit doigt m'a dit, Associés contre le crime) La dinguerie créative d'Arte, marque de fabrique, asu rencontrer celle du clan Rouillac, et en particulier de ses deux piliers,cariatides masculines (pour une fois) de la série feuilletonesque. C'est dansles deux derniers épisodes qu'apparaît la cheville ouvrière de l'étude, l'élément fédérateur, tour à tour maternelle, pousse-au-crime, raison raisonnable, 940000 euros entre un père et son fils coup de gueule, coup de bourre, ménagère un brin hystérique à la mode vendômoise (à savoir tout en retenue calculée et ce qu'il faut de manipulation féminine), chasse-spleen autant que chasse stress, en somme une Castafiore sans fausse note Christine Rouillac, épouse du maître, et mère de son fils.
Le père, le fils, et...
Cette touche de féminité agit comme un révélateur photographique pour mieux souligner, comme dans un évangile, le rôle proéminent de Rouillac, Philippe (le père) et Aymeric (le fils) Autant le dire tout net tous,en Touraine et en Loir-et-Cher, terre si modérée que c'est presque ennuyeux, ne sont pas complètement marteaux de ces prisant commissaires-priseurs. Ils agacent autant qu'ils fascinent. Comme aux dames, ils semblent, de manière insolente,avoir toujours les blancs Donc un coup d'avance. C'est une passion française le succès des provinciaux crottés rend méprisable leur talent, et les jaloux abondent des quatre coins de France et même de la planète Alain Souchon, qui ne raterait pour presque rien au monde la vente annuelle de Cheverny, chanterait «Dans les poulaillers d'acajou, les belles basses-cours à bijoux, on entend la conversation de la volaille qui fait l'opinion. » L'insolence de leur succès -pas si modeste - excite la jalousie des médiocres. Un jour, ils se vengeront, peut-être.À moins que la crise, Madame la Comtesse, finisse par envoyer valser tout ce fatras d'objets, bibelots de famille et tableaux de maîtres à enchérir au pilorides révolutions du peuple. Mais même les révolutions viennent d'en haut, c'est dire si l'on est protégé, dans ce monde ci. Ce qui est rare est cher, et sous les ponts de Vendôme coulent le Loir.
On a beau retourner la série d'Arte dans tous les sens, ce qui demeure, et restera, probablement, c'est ce lien filial entre Rouillac père et fils. ll est fait d'une connivence de tous les instants, d'un respect mutuel et d'une complicité naturelle, laquelle, comme dans un vieux couple qui aurait bien fonctionne, par hasard, ou par grâce, fait terminer la phrase de l'un commencé par l'autre Et vice et versa. De deux choses l'une ou ces Commissaires-priseurs,complètement marteaux, sont de vrais comédiens, et on est tous dupés. Ou bien les Rouillac sont animés d'un si grand amour du père pour son fils et du fils pour son père (avec le Saint-Esprit maternel pour que la transsubstantiation opère - que les théologiens dogmatiques nous pardonnent cette hérésie I), que l'enchère entre eux est d'une valeur inestimable De celle impossible à vendre d'un coup de marteau, animée sans doute d'une autre inspiration, « lumineuse et divine, comme venant d'un être supérieur qu'on ne pourrait point nommer »
Frédéric SABOURIN
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