Gustave LE GRAY (Paris 1820 - Le Caire 1884)
Les marines de Normandie et de méditerranée, une création esthétique parfaite
« J'ai compris que le photographe comme Le Gray est à la fois un artiste et un savant. [1]»
Alexandre Dumas
Auto-portrait de Gustave Le Gray
En 1856 et 1857, Gustave Le Gray éblouissait le monde de l'art en présentant ses célèbres marines en Grande-Bretagne [2] et en France. L'artiste voyait alors son vœu s'exaucer : celui "que la photographie rentre dans le domaine de l'art". Après avoir été reconnu comme l'un des grands maîtres de la composition et du tirage [3], son œuvre devient emblématique de la modernité en photographie.
Pour les marines, Gustave Le Gray employait le procédé du négatif verre au collodion. Cette nouvelle technique permettait d’obtenir à l'époque une grande finesse de détails.
Le Gray pratiqua le virage à l’or qui permit une fois le tirage effectué de fixer l’image et de moduler la densité des tonalités des épreuves, en apportant ainsi une richesse de nuances. Selon le dosage et le temps de traitement, les épreuves présentent des tonalités allant du "brun doré" au violet "aubergine". Les couleurs prennent vie dans ces images monochromes.
Les marines de Gustave Le Gray, réalisées entre 1856 et 1858, sont des exemples parfaits de la maîtrise technique et de la vision esthétique du maître.
Au fil du temps, dans le cercle des amateurs et historiens de la photographie, l'intérêt pour l'œuvre de Le Gray n'a jamais fléchi. À chaque époque un hommage lui fut rendu :
En 1935, Camille Recht reproduisit "la grande Vague" de la collection Cromerdans "La vieille photographie". [4]
En 1945, Raymond Lecuyer [5] publia une autre épreuve de ce chef d'œuvre.
En 1965, Yvan Christ dans son ouvrage : "l'âge d'or de la photographie" [6] parla de Le Gray, à propos des photographes de paysages, comme "le plus grand d'entre eux". Il ajouta au sujet des marines :"Ce sont des paysages à l'état pur, au même titre que ceux de Boudin ou de Monet. Il convient de les placer sans hésiter au même rang".
En 1980, Bernard Marbot souligne l'intérêt majeur porté à Gustave Le Gray dans les années 1850. Il inclut 3 œuvres parmi les 180 chefs-d'œuvre de la photographie de la Bibliothèque Nationale [7] : "La vague brisée", "Étude de nuages, clair-obscur, 1856" et "Camp de Châlons, manœuvres du 3 octobre 1857".
En 1987, Eugenia Parry Janis signe le premier ouvrage, complet pour l'époque, des œuvres de Gustave Le Gray. Elle consacre un important chapitre aux marines, dans lequel on retrouve "Bateaux quittant le port du Havre" [8], l'un des plus rares chefs-d'œuvre du maître. Dans le même temps, le Musée d'Orsay, constitue une collection de trésors de la photographie où une large place est consacrée aux trésors de Gustave Le Gray. À partir de ces années-là, l'intérêt pour la photographie ancienne, recherchée pour son esthétique, s'intensifie.
En 1999 : la photographie la plus chère au monde est une marine de Gustave Le Gray. Depuis cette période, de grandes expositions, ouvrages et articles très documentés ont rendu hommage à l'artiste [9]. La présence d'épreuves dans nombre de collections publiques et privées internationales, attestent du rang majeur que cet artiste occupe, en particulier pour ses marines, lesquelles sont considérés comme des chefs-d'œuvre mondiaux de la Photographie.
En 2011, GustaveLe Gray atteint un nouveau record mondial avec "Bateaux quittant le port du Havre" [10].
En 2016, cette même épreuve frôle le record (sans toutefois l’atteindre), ce qui confirme sa qualité exceptionnelle.
Yves Di Maria
État des épreuves présentées à Artigny
Cet ensemble d'œuvres de Gustave Le Gray, conservé dans une maison du Val-de-Loire depuis plusieurs générations, se distingue par la qualité exceptionnelle des tonalités de certaines épreuves.Elles sont présentées dans l'état où elles ont été découvertes.
Les titres indiqués dans les notices sont ceux donnés par les catalogues du musée de l'Armée et de la Bibliothèque nationale de France.
Ces épreuves ont été tirées à l'époque dans l’atelier du photographe au 35 boulevard des Capucines à Paris.
Les dimensions des œuvres ont été prises dans l'axe de la hauteur et de la largeur.
Comme la plupart des œuvres de Gustave Le Gray, ces épreuves présentent quelques défauts dus aux négatifs, notamment dans les cieux. Ceux-ci ont fait l'objet de repiques à l’époque des tirages, lesquelles ont souvent foncé avec le temps. On observe quelques coupures et micro déchirures sur les bords de certaines épreuves. Ces particularités ne nuisent en rien à la qualité des images ; les plus visibles sont décrits dans les notices.
Les marines de Gustave Le Gray obtinrent un succès considérable en Angleterre dès la fin de l'année 1856. Dans la revue de la Photographic Society of London du 22 décembre 1856, "Murray and Heath, Photographic Apparatus Makers, 43 Piccadilly" – premier diffuseur des œuvres de Le Gray en Grande-Bretagne, fait paraître la publicité suivante :"LEGRAY'S famous Picture of SEA and CLOUDS, admitted to be the finest Photograph yet produced. Price 16s. 800 copies suscribed for in two months. Every Photographer should order a copy."(sic).
Provenance
Excepté « Effet de Soleil – Océan N°23 », toutes ces épreuves de Gustave Le Gray proviennent d’une collection particulière qui a été conservée pendant plusieurs générations aux « Pavillons » à Loudun (Vienne). Construit vers 1840 par Jules-François Hennecart (1797-1888), banquier et député de la Vienne en 1849, « les Pavillons » est une demeure patricienne en pierre blanche. Le fils d’Hennecart, Jules-Joseph, se maria à Annette de Mackau, fille du ministre et amiral. Il fonda la cité balnéaire de La Baule. Ces photos ont été découvertes dans cette demeure qui a appartenu pendant plus d’un siècle à la famille des actuels propriétaires.
[1] Alexandre Dumas. Causerie Le Monte Cristo n°38 du 5 janvier 1860 : page 594.
[2] "C'est ainsi que les merveilles de la photographie française ont pu être admirées depuis les gigantesques reproductions d'architecture de Baldus […] jusqu'aux délicieuses marines de Le Gray qui font à Londres une si vive sensation" in "La Lumière, revue de la photographie", samedi 27 décembre 1856.
[3] "Monsieur Le Gray s'est adonné principalement à l'enseignement de la photographie ; presque tous les photographes en renom aujourd'hui ont été ses élèves". Marc Antoine Gaudin "Visite à l'atelier de M. Le Gray. In "La Lumière, revue de la photographie "du 10 décembre 1853 : page 198.
[4]"La vieille photographie depuis Daguerre jusqu'à 1870. Henri Lefebre éditeur, Paris, 1935 : pages 109 à 111.
[5] "Histoire de la photographie" par Raymond Lecuyer, Baschet et Cie, Paris, 1945.
[6] "L'âge d'or de la photogrpahie" par Yvan Christ, Vincent / Fréal et Cie éditeurs, Paris, 1965 : page 45.
[7] "Regards sur la photographie en France au XIXesiècle, 180 chef d'œuvre de la bibliothèque Nationale", Berger-Levrault, Paris 1980 : reproduite notice 81.
[8] Record mondial pour une photographie de Gustave Le Gray, le 18 juin 2011 à Vendôme, expert Yves Di Maria : 917 000 € (frais inclus)
[9] "The lovely sea-view. A study of the marine photographs published by Gustave Le Gray 1856-1858" par Ken Jacobson, Petches Bridge, 2001.
"Gustave Le Gray (1820-1884)" sous la direction de Sylvie Aubenas, BnF-Gallimard, 2002. Catalogue raisonné.
"Modernisme ou modernité. Les photographes du cercle de Gustave LeGray" par Anne de Mondenard et Marc Pagneux, Actes Sud, 2012.
[10] Record mondial pour une photographie de Gustave Le Gray, le 18 juin 2011 à Vendôme, Rouillac commissaires priseurs, Yves Di Maria expert : 917 000 € (frais inclus)