Il dépense 500 000 € aux enchères pour un médaillon de Louis XIV, qui est Jacky Lorant ?
Mardi 06 octobre 2020
Ouest-France, Pierre Momboisse
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Jack Lorant a acheté, dimanche 4 octobre 2020, aux enchères, en Touraine, un médaillon offert par Louis XIV au corsaire malouin Alain Porée, en 1696, pour 500 000 €. Ce particulier, issu d’un milieu modeste, au riche parcours professionnel, remporte là un des plus beaux défis de sa vie.
Jacky Lorant a encore les yeux embués. De fatigue et d’émotion. Il est rentré tard dans la nuit de dimanche, de sa virée au château d’Artigny, en Touraine. Depuis, son téléphone n’arrête pas de sonner, au lendemain d’un « des moments les plus forts de sa vie ».Dimanche 4 octobre 2020, le Malouin de 68 ans, a acheté, aux enchères, une boîte à portrait composée de vingt diamants que Louis XIV avait offerte à Alain Porée en 1696, pour le récompenser de sa contribution à la défense de Saint-Malo contre les Anglais.
L’acheteur n’est pas peu fier de sa prise acquise à la sueur de son front. Comme tout dans sa vie. « Ce fut un moment très intense. J’ai commencé à transpirer à quelques minutes de la vente. Je me suis ressaisi. Je savais que cela allait monter très haut, vu l’engouement d’Anglais et d’Américains autour de cette vente. » 500 000 € aux coups de marteaux, 620 000 frais compris.
« Je ne suis pas né avec une cuillère en argent dans la bouche »
Pourquoi une telle envie d’acquérir le bijou si convoité ? « J’ai entendu parler de la vente du médaillon dans le journal. Je me suis documenté. Je ne suis pas collectionneur mais il y a tout de suite quelque chose qui m’a attiré dans cette histoire. Je suis né à Saint-Méloir, j’y suis très attaché. Alain Porée est un corsaire malouin qui possédait le manoir de la Bardoulais à Saint-Méloir. Je voulais que le bijou reste à Saint-Malo », évoque Jacky Lorant. Un petit plaisir d’un nanti ? Pas vraiment. « Je ne suis pas né avec une cuillère en argent dans la bouche. Je me suis accroché au boulot toute ma vie. Je sais ce que sont la faim et les moments difficiles. Mon argent, je l’ai gagné à la sueur de mon front », résume-t-il.Après l’obtention de son certificat d’études à 14 ans, Jacky Lorant « préfère travailler » plutôt que de continuer l’école. Quatre années dans la serrurerie, deux années à Fos-sur-Mer pour monter des hauts fourneaux, un retour à Saint-Malo comme manutentionnaire pour la société de travaux électriques où il monte rapidement en grade, mène une équipe, avant de basculer dans le réseau EDF.
« Je voudrais que les gens le voient »
En 1990, nouveau changement de vie. Jacky Lorant rencontre son épouse. « On a voulu acheter une petite affaire avec l’aide de ses parents. On a acquis le bar hôtel-restaurant qu’on a appelé L’Équipe, avenue de Marville à Saint-Malo. En 1993, on remporte le concours du bar le plus sportif de France créé par le journal L’Équipe. Une fierté », raconte ce fan de sport qui a été président du club des supporters de l’US Saint-Malo et partenaire de l’Open de tennis. Il revend puis achète d’autres affaires, jusqu’en 2006. « À un moment, j’en ai eu assez de travailler les soirs et les week-ends. »Changement de cap avec la création de son entreprise Émeraude Solaire, spécialisée dans le photovoltaïque, en 2008, après une formation auprès des compagnons du solaire. « En 2016, on a eu une période compliquée comme tout le monde dans le secteur. J’ai passé un an sans me verser de salaire pour payer les salariés. On était trente-cinq à faire ça en Bretagne au début. Il en reste trois ou quatre aujourd’hui. » Jacky Lorant a revendu son entreprise cette année, fier d’avoir laisser un belle affaire.
À la retraite depuis quelques mois seulement, il n’a donc pas tardé à trouver un nouveau défi. Que va-t-il faire de son bijou ? « Je n’ai pas envie qu’il reste tout le temps dans un coffre. Je l’imagine bien à l’inauguration du futur musée maritime, lors des courses du Rhum. Si le château de Versailles me sollicite pour une expo, c’est sans problème. J’ai quelques idées en tête, mais c’est encore tout chaud. Je vais prendre le temps. » Jacky Lorant est parti seul, avec ses propres fonds dans cette enchère, « mais une chose est sûre, ce médaillon est pour tout le monde. Je voudrais que les gens le voient ».