Une bouteille de la passion
Samedi 26 mars 2016
En cette semaine sainte, René questionne le commissaire-priseur Aymeric Rouillac au sujet d’un « crucifix dans une bouteille » retrouvé dans une remise.
Cet ex-voto date probablement de la Grande Guerre (1914-1918). Il pourrait avoir été réalisé par un poilu au cours des longues journées passées au fond des tranchées. En effet, l’usage de matériaux modestes rappelle le travail des bagnards, des marins, des prisonniers ou des soldats. Nombre d’entre eux pour tromper le temps s’appliquent à sculpter, graver et peindre les objets qu’ils ont sous la main comme des dents de cachalots pour les marins ou des douilles pour les soldats. Voient ainsi le jour des bagues destinées à leurs fiancées,des briquets, tabatières ou des gourdes gravées pour oublier la guerre mais aussi des crucifix comme celui que nous présente ce lecteur. Objets de dévotion, ils soutiennent les soldats dans leur quotidien sous le sifflement des bombes et de la boue. Si certains arborent le drapeau de Verdun, ce n’est pas le cas de celui de René.
Les plus beaux de ces crucifix sont en ivoire sculpté, spécialité de la ville portuaire de Dieppe depuis le XVIIe siècle. Le « trésor » de notre lecteur n’est certes pas d’une telle préciosité. Son rendu plus naïf n’ôte toutefois rien à son ingéniosité technique. Comment élève-t-on un crucifix dans une bouteille ? Probablement comme une maquette de bateau. Cet objet d’art populaire est le fruit d’une exécution longue et minutieuse : chaque morceau de bois est relié à un fil et inséré dans la bouteille par le goulot. Ces fils sont ensuite actionnés depuis l’extérieur à l’aide de pincettes. Ainsi, se dresse fièrement la miniature dans son écrin de verre.
Souvenir des tranchées et témoignage d’un art populaire, cette bouteille de Passion pourrait être évaluée autour d’une trentaine d’euros. Mais sa valeur sentimentale et patriotique dépasse de loin cette estimation.