Le fils n'est pas le père !
Samedi 08 octobre 2016
Cette semaine, Philippe, d’Herbault, interroge Me Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, au sujet d’une paire de « cruches en bronze ».
Selon notre lecteur, le matériau employé est le bronze. Mais la surface terne et noirâtre indique plutôt de l’étain. Regardez donc en-dessous, vous y observerez un poinçon correspondant, voire même la mention « étain garanti ». Si cette oxydation est superficielle, vous devriez pouvoir récupérer facilement le brillant argenté originel de cet alliage.Commencez par frotter délicatement à l’aide d’une éponge et d’eau chaude savonneuse. Si cela ne suffit pas, utilisez une pâte à polir type « pierre d’argent » mais sans trop insister. Séchez bien. Le résultat devrait être…éclatant ! Les étains souffrent d’une longue exposition à l’air et à l’humidité. Pour les protéger par la suite, appliquez une fine couche de cire à meubles, et passez régulièrement un coup de chiffon doux.
Les objets en étain sont moins prisés que ceux en bronze. Malgré tout, ces aiguières portent une des signatures les plus prestigieuses du XIXe siècle : Barye. On songe tout de go à Antoine-Louis Barye, le plus grand sculpteur animalier de ce siècle. Sculpteur du roi Louis-Philippe, de l’empereur Napoléon III, ce sont cent rubriques telles celle-ci que nous pourrions lui consacrer. Mais observez bien la signature : elle est précédée d’un A. Et alors ? Antoine, amputé du Louis, me direz-vous ! Eh non ! A, pour Alfred, le fils du grand Barye ! Né en 1839, il est formé à la sculpture par son père. Animalier, il imite souvent les créations de son maître, mais s’en distingue notamment par des chevaux de course particulièrement réussis. Ses œuvres sont de bonne qualité, et font montre d’un grand souci du détail. Il manque en revanche d’inventivité en traitant les mêmes sujets que son père 40 ans auparavant… Il décède en 1905 sans jamais avoir connu la renommée.
Ainsi, la cote de ses sculptures s’en ressent. Certaines personnes indélicates sont d’ailleurs bien heureuses de pouvoir confondre les deux signatures… Tandis qu’un bronze fondu du vivant du papa s’est vendu190 000 € en février dernier, comptez seulement 300 à 400 € pour cette paire d’aiguières Art Nouveau réalisées vers 1900. Le nom ne fait pas l’artiste !