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Lot 0
LA COLLECTION DE PAUL FESNEAULT



Le temps était immobile ― avant mon départ pour New York ― lorsque j'ai découvert cette collection, appelé pour disperser la succession de M. Paul Fesneault. Le temps était suspendu à mon retour en France. Si les musées américains regorgent de pièces prestigieuses, les appartements français en province révèlent des trésors enfouis. Paul Fesneault, disparu voilà cinq ans, y régnait encore : présence à travers ses objets, prolongement physique à travers les meubles ― un intérieur de qualité reconstituait en plein cœur de Blois le XVIIIe siècle français.
― Chaque pièce, meuble, siège, objet d'art, porcelaines, orfèvreries, provenant de grandes demeures privées du Val de Loire ― d'Orléans à Tours ―, avait sa place.
Ainsi il avait, une vie durant, patiemment pièce par pièce ― la passion l'habitant ―, réalisé un puzzle caractéristique du XVIIIe : raffinement, élégance, un art de vivre élevé en système, voire en archétype de civilisation, dans cette France de Louis XV, ce « moment de perfection de l'art français ».



Sans l'avoir connu, je l'imagine attentif à un bronze, soucieux du vernis d'une commode, exigeant quant à la restauration d'un siège. Dans la lignée des maîtres menuisiers et ébénistes du Faubourg Saint-Antoine, il prolonge le goût du travail bien fait des artisans. Né à Blois en 1908, il se destine au métier d'ébéniste dès l'âge de quinze ans. Son talent est vite reconnu partout, et peu à peu il devient le restaurateur habile, l'intermédiaire obligé, le marchand des grands amateurs. Après avoir travaillé dans un grenier de la rue Porte-Chartraine pendant dix ans, il ouvre un modeste magasin à Blois, rue Saint-Honoré. Avec son permis de conduire obtenu en 1934, il sillonne le Val de Loire, et monte à la force du poignet une maison prospère qui inspirera confiance et respect, rue des Trois-Clefs, et ce durant près d'un demi-siècle.



Toujours habillé de son bleu de travail et coiffé d'un béret, entièrement autodidacte, de milieu simple, amoureux fou des objets, doué d'un œil et d'un sens artistique exceptionnels, servi par des mains qui réhabilitent les meubles avec fidélité, Paul Fesneault fut, pour tous ceux qui l'ont connu, travail et modestie.
Elu par ses pairs président du Syndicat des Antiquaires de Loir-et-Cher, il fut propriétaire du château de Chissay-en-Touraine près de Montrichard, à la suite du comte Josselin Costa de Beauregard. Une allée de platanes porte le nom de Paul Fesneault, dans cette commune, en souvenir.



Quelles familles du Blésois ou plus généralement de Touraine n'ont-elles pas fait appel à M. Fesneault quand il s'agissait de vendre ou d'acheter? Il a servi ce noble métier près d'un demi-siècle. Puisse, par le biais de cette vente que j'ai l'honneur de diriger, la passion qu'il a mise à rassembler ses objets, ses collections, se transmettre à d'autres amoureux de l'objet, collectionneurs, amateurs, ou simplement curieux: le virus de l'antiquité est communicatif.
― Ainsi ne peut-on pas prêter à Paul Fesneault les dernières volontés d'Edmond de Goncourt, il y a un siècle : « Ma volonté est que mes choses d'art qui ont fait le bonheur de ma vie n'aient pas la froide tombe d'un musée, et le regard bête du passant indifférent, et je demande qu'elles soient toutes éparpillées sous les coups de marteau du commissaire-priseur et que la jouissance que m'a procurée l'acquisition de chacune d'elles soit redonnée, pour chacune d'elles, à un héritier de mes goûts ... »

― Enfin il faudrait préciser que parmi ses collections ― ses enfants qu'il n'a pas eus ― Paul Fesneault a choisi d'offrir au Musée de Blois, la cave à liqueurs du maréchal de Saxe, ancien propriétaire du château de Chambord.



Désormais la boucle est bouclée. Paul Fesneault commença à travailler en 1927 ici même à Cheverny pour la marquise de Vibraye, en restaurant les meubles du château -et cinquante ans plus tard sa collection est dispersée sur le lieu prestigieux où il avait débuté. Quel clin d'œil à l'Histoire!

Ses collections, il les avait acquises dans les demeures et châteaux privés du Val de Loire, il était donc tout à fait naturel qu'elles soient dispersées dans le cadre enchanteur de Cheverny. Nous prolongeons ainsi modestement son Histoire.
― En ce Val de Loire, riche de monuments et d'objets, cette vente prouve ainsi que le marché de l'art en province sait être dynamique, ouvert... et exemplaire : proche tant des vendeurs que de la clientèle internationale ― comme le succès de la première vente à Cheverny en juin 1989 l'avait démontré en inaugurant la vente « garden-party à la française ».



Merci, Paul Fesneault, d'avoir écrit une si belle page de vente aux enchères publiques de France, en province, en Val de Loire, Vallée des Rois.

Je mettrai, pour son interprétation, toute la passion que vous méritez.



Philippe ROUILLAC
LA COLLECTION DE PAUL FESNEAULT 
 
Le temps était immobile...
Lot 0
Lot 111
François BOUCHER (Paris, 1703-1770)

L'Adoration des Bergers.

Esquisse sur papier, grisaille.

44,8x30 cm.

Bibliographie :

Cette esquisse, inédite, ne correspond à aucune composition picturale connue de François Boucher. Elle peut cependant être rapprochée d'autres dessins de Boucher sur ce thème (La Nativité du musée de Melbourne ou la grisaille préparatoire au tableau qui se trouve au musée de Lyon : La Lumière du Monde) (voir Alexandre Ananoff, François Boucher, Lausanne-Paris, 1976, t. II, p. 64, n° 362).

Comme pour La Lumière du Monde, on peut difficilement inscrire cette scène dans l'une des catégories reconnues de l'iconographie chrétienne puisque, d'une part, il y a des personnages étrangers à cette scène (femme, enfants) et, d'autre part, la présence d'un seul berger (ou pèlerin?) suffit-elle à en faire une adoration des bergers? De même, l'âne est absent.

Cependant, la composition est courante chez Boucher qui mêle chaumière et ruines antiques (colonne tronquée) selon un schéma déjà appliqué ailleurs, par exemple dans L'Adoration des Mages (grisaille, voir Ananoff, op. cit., t. II, n° 466).

Il semble pourtant que cette étude ait été exécutée en vue d'un tableau d'autel comme l'indique la forme arrondie de la partie supérieure.

Provenance :

Dessin donné par la petite-fille de Falconnet, Mme de Yankovitch, à Edouard de Warren, avec d'importants souvenirs de la Cour de Russie. Le comte de Warren offrit au musée de Nancy les deux autres dessins formant avec celui-ci un triptyque sur la Nativité.

Dans la descendance du comte de Warren.

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Sold: 91 469 €
François BOUCHER (Paris, 1703-1770) 
L'Adoration des Bergers. 
Esquisse sur papier,...
Lot 111
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